Quand on a vécu les plus incroyables des émotions, que nous reste-t-il ?
Lorsque vous vouez votre vie à votre sport à tel point que tout le reste semble vide, lorsque vous êtes si proche du but que vous vous êtes fixé que vous pouvez en éprouver les premiers picotements, mais que soudain, tout s'écroule. C'est le néant. Un néant plein de regrets, de questions, de rancœurs, d'aigreurs et pleures.
Nous avons perdu. Nous avons perdu parce que nous ne sommes pas premiers. Nous avons perdu et je ne le digère pas. Nous avons perdu. J'ai échoué.
Ces pensées n'avaient eu de cesse de marteler mon esprit depuis l'instant où, trois jours plus tôt, le ballon s'enfuyait du pied de Randal qui avait longuement pris son élan, laissant le temps au gardien adverse d'observer minutieusement la position qu'il avait transmise à sa trajectoire.
Une douleur pernicieuse, une de celles qui s'infiltrent sous la peau, ne me quittait plus.
Et aujourd'hui, j'allais devoir commencer à faire semblant, aujourd'hui, je n'avais plus le droit de montrer la déception qui m'enserrait le cœur à chacun de ses battements. Aujourd'hui, je retournais à l'entrainement. Mes privilèges m'interdisaient l'honnêteté. Qui comprendrait ma peine alors que j'avais déjà gagné une coupe du monde ? Qui comprendrait mes préoccupations portées sur le passé alors que j'appartenais à une seconde équipe ? Qui comprendrait que la déception fût si forte ... Tellement, tellement forte. Une main à plat sur la porte de mon splendide appartement parisien, ma tempe s'appuyait une dernière fois contre le mur froid et inconfortable. Alors que mes doigts glissaient jusqu'à la poignée, je réalisai qu'une fois le seuil franchi il n'y aurait plus de place pour mes larmes. Et, dans un souffle, j'acceptai ces conditions.
Déposé devant le camp d'entraînement, je saluai les photographes chargés d'annoncer mon retour. La célébrité ne m'avait jamais paru aussi délicate à gérer, je n'avais pas le choix que de paraître sympathique et réfléchi pour correspondre à mon image que j'avais toujours voulue irréprochable. Quelques signes, quelques sourires, je me retrouvai face à notre entraîneur qui me tapa dans le dos, ravi de me voir si tôt réintégrer mon club et finalement une vision vint me faire tourner la tête. Mon meilleur ami était assis là, hésitant lui-même sur le sentiment qui le subjuguait le plus, l'étreinte que nous partagions était aussi apaisante que déchirante. A son regard touché, je compris à quel point Achraf avait traversé des jours similaires aux miens, nos exploits avaient été éteints. La journée sur le terrain débuta, ce qui me permit de constater une nouvelle fois le sport était indéniablement un excellent moyen d'oublier tout le reste. Pourtant, à chaque pause, à chaque plaisanterie de mes coéquipiers, tout me revenait en pleine poitrine. Si je pensais avoir correctement dissimulé ces introspections, mon si bon ami vint me prouver le contraire à la fin de la matinée ; alors que nous sortions des vestiaires pour aller manger, il se glissa dans mon dos pour chuchoter :
« Hé Kylian, si le prochain match ne nous remonte pas le moral, on se tire ok ?
- Ouais, répondis-je dans un souffle étouffé. Où tu veux. Autant que tu voudras.
- Je m'en occupe, de tout, et toi, tu gagnes le prochain match. »
Mes yeux lui crièrent des remerciements, cette perspective était tout ce qu'il me fallait pour me sentir plus léger, m'éloigner de ce monde pour la première fois depuis ... ma plus tendre enfance pourrait probablement m'aider à traverser cette passe. Libéré de ce poids, il va sans dire que j'avais été nettement plus convainquant le ballon au pied mais également auprès de mes camarades qui recommençaient à me taquiner doucement.
Finalement, le jour de test arriva. Même la victoire ne suffit pas à me faire oublier le goût âpre des regrets qui balayaient chaque once de joie qui se présentait. Achraf l'avait compris dès notre retour au vestiaire, ni les célébrations, ni les interviews, ni les éclats de fin de match ne prouvaient mon bien-être intérieur. Deux jours après, nous embarquions pour New York.
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Dix-neuf - Terrain d'entente
FanfictionKylian raconte ses relations amicales, ses sentiments, ses émotions ... Face à une multitudes d'interrogations, d'inquiétudes, de possibilités, quels choix fera-t-il ? Parviendra-t-il à être pleinement heureux ? Devra-t-il forcément sacrifier une pa...