Debout sous la pluie, la nuit...

9 1 0
                                    

Il est des pluies qui vous alourdissent le corps. L'eau battante vous écrase en quelques minutes, les tissus vous collent à la peau, comme une toile qui vous empêche de battre des ailes, réduisant l'ampleur de votre envergure à une minable posture détrempée jusqu'aux os. Les membres ballants, vous rentrez pour vous changer et vous sécher.
Sauf quand vous restez sous la pluie pour vous laver. Vous laver de vos péchés, de vos erreurs, de vos souffrances, de vos regrets, de vos poids. Vous laver sous les gouttes qui vous allègent et vous purifient. Ces gouttes auxquelles vous vous offrez, bras ouverts, front levé au ciel assombri et inondé. Chaque goutte tapote votre peau et vous masse, vous détend, s'engouffre et coule le long du cou, s'infiltre sous les vêtements déjà humides, dans vos chaussures figées et ramollies dans les flaques, pour en rejoindre d'autres en un flux sans pression, libre et libérateur. Pur et purificateur.
Dans la nuit, à l'abri des regards, certaines pluies allègent et annoncent les jours meilleurs. Plus clairs. Plus lumineux. Plus joyeux. Plus légers.
La nuit, certaines pluies accablent et sapent le moral, vous mettent plus bas que Terre. Vous enterrent même. Les filets d'eau qui tombent dru vous empêchent presque de respirer, vous asphyxient comme si votre dernier souffle était arrivé.
Mais on n'enterre pas que les morts. Les graines aussi. Pour qu'après un temps, indéfinissable, parfois interminable, ce qu'on croyait passé au trépas se mette à frémir et se déployer lentement, loin du regard. Que ce petit grain, souvent de folie de vie, se remette à frémir pour se frayer un chemin vers l'aube.
Alors les pluies ne sont pas des pluies étouffantes, mais au contraire des pluies nourrissantes, qui ravivent et qui aident à ressortir de l'obscurité. Pour se dresser debout, avec légèreté, dans le jour nouveau.

Tout l'univers dans un regardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant