- Chapitre 12 : Astronautes, prisons, papa ?-

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Derrière le son répétitif des grincements du Waterstar, une musique lui revient en tête comme une vilaine grippe. Ses pensées astronautes semblent quitter l'atmosphère de son cerveau. Faisant ce qu'ils veulent dans l'espace de leurs souvenirs. Ses yeux, immobiles, ne distinguent que le tournoiement de sa boisson formée après chaque vibration de son cockpit. Ils divaguent, de planète en planète, jusqu'à revenir à la scène de la veille. Ce spectacle, préparé juste pour elle. Et que pour elle. Avec cette musique, mêlant instruments à vents et chants aux paroles aussi variées qu'entêtantes. Tout se joue devant elle, comme si elle revenait dans le passé. Comme si elle revenait un mois avant tout ça.

Car, un mois avant, ces chaînes entourant les chevilles de ses astronautes ne grinçaient pas autant. Maintenant, à la moindre pensée, un raffut mental l'empêche de se rappeler. Et pourtant, elle en avait des souvenirs. Elle en avait des tas et des tas. Formant plusieurs constellations, aux planètes uniques et aux étoiles parlantes. Avant ces trente jours, toutes avaient une histoire à raconter. Mais désormais, il n'y en a qu'une qui brille. Qu'une seule, celle contant l'histoire de la punition royale.

Le lendemain de sa convocation officielle, Latifa se reposait dans sa chambre d'enfant. Celle-ci n'avait pas du tout changé depuis son départ, il y a de cela plusieurs années. Elle avait toujours ses huit mûres tapissées du drapeau Gallien. Ce drapeau, on peut dire qu'elle le connaît assez pour le dessiner les yeux fermés.

D'abord, la tête d'un chat noir au centre, sur un fond rouge. Ensuite, les encerclant, deux bandes violettes, et le chat à la corne dorée de licorne est ébloui d'un arc blanc et d'un collier de perles. Tout ceci symbolise le pouvoir de l'Empereur, ses devoirs et sa façon de penser.

Tout comme la disposition de son drapeau qui a son importance pour lui, tout doit être un minimum contrôlé. Par exemple, la chambre de sa fille. La princesse n'a que le strict minimum : un lit se situant juste en face de la porte, un bureau contre la seule fenêtre de la pièce et un lustre au plein centre. Heureusement, en plus de ça, elle dispose d'une petite salle de bain, avec baignoire, lavabo et toilette séparés par des demi-murs.

C'est alors que trois faibles coups la réveillèrent, la tirant de son sommeil. Une femme entra presque tout de suite après, le visage pâle et suant. Des rides traçaient son visage, son dos était courbé et ses pas étaient lourds alors qu'elle se rapprochait de la princesse héritière. Celle-ci la regarda s'avancer, assise et bras croisés, sans vraiment s'en soucier. C'était une domestique du château, une sans-noms pour être plus précis, un de ces bébés abandonnés et pris en charge par des prêtres quelque part, puis achetés, finissant esclaves le plus souvent. Cette dame étant née avant même que ce dispositif soit mis en place, elle doit sans doute n'être qu'une esclave vendue à ces prêtres. Quoi qu'il en soit, ses pas s'arrêtent en arrivant aux côtés de Latifa. Les mains dans le dos, elle se penche en avant, regardant dans les yeux la princesse.

— Vous ressemblez à votre mère. Vous lui ressemblez...

Une seconde hésitation fut de voir la seringue cachée dans sa main. Alors qu'elle s'élançait, prête à injecter ce liquide mystérieux dans le corps de la princesse, il la stoppa. Empoignant son poignet frénétiquement. C'est l'Empereur. Son père. D'un geste aussi lent que rapide, il la balança dans le couloir, là où les gardes l'emmenèrent dans l'obscurité.
C'est la première tentative d'assassinat de l'année. Et, cela sera la dernière.

Juste après ça, son père s'installa sur la chaise retournée de son bureau. Les jambes croisées et le dos mis en arrière, il attrapa l'un des livres encore posés sur le meuble derrière lui. "Alice au pays des merveilles". C'était son livre préféré, bien que venant d'une époque plus que lointaine, cette histoire lui donnait envie de rêver. Chaque page de ce livre jauni par le temps est froissée, déchirée et effacée par les lectures et les relectures. Le revoir la refait sourire un peu, de nostalgie. Juste avant de s'immobiliser de surprise. Une à une, page par page, chapitres par chapitres, tout se déverse au sol. Dans un son de déchirure temporelle, où le choc fait stopper l'esprit de la réalité, son livre se transforme sous ses yeux en un tas de déchets, au pied de son père.

Gallia ÉtoiléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant