5

4.5K 106 0
                                    


La limousine était plus spacieuse que dans mon souvenir. Bon, la dernière fois que j'étais montée dans l'une d'entre elles, c'était en terminale, lors du bal de fin d'année, et mes amies et leurs cavaliers y étaient serrés comme des sardines en boîte... Je jetai un coup d'œil à la dérobée à l'homme installé à coté de moi, sur la banquette arrière. Pour l'instant, il ne me prêtait aucune attention et se concentrait sur la tablette posée sur ses genoux, me laissant toute disponibilité pour m'occuper de mon côté. Je serrai fort contre moi mon sac en cuir, déboussolé par les événements de la journée. Étais-je vraiment en route pour Paris?

Ces deux derniers jours avaient été un tourbillon de folie.

Jeremiah Hamilton, PDG de Hamilton Industries, une multinationale susceptible de rivaliser avec tout ce qu'avait jamais produit l'empire de Donald Trump, partageait avec ma petite personne la pénombre de sa limousine. Avant même d'avoir réalisé ce qui se passait, j'étais en route vers l'aéroport afin de m'envoler avec lui pour Paris. En tant qu'assistante personnelle. Dotée d'un contrat à venir dont les clauses tournaient autour d'une exigence: le satisfaire dans tout ce qu'il voudrait.

Dans la catégorie des pires-journées-de-mon-existence celle-ci figurait au palmarès. Et elle avait toutes les chances de remporter le prix des plus-époustouflantes-journées-de-mon-existence.

Aux heures de pointe, la circulation dans Manhattan étant l'habituel enchevêtrement de piétons et de véhicules, je me plongeai dans mes pensées plutôt que de m'intéresser à ce qui se passait dehors. Hélas, trop tôt à mon goût, les bouchons se résorbèrent et la voiture ne tarda pas à longer une barrière derrière laquelle s'alignaient des avions. Je regardai par la fenêtre et découvris, étonné, une pancarte qui annonçait l'aéroport de Teterboro. Situé dans le New Jersey, il était moins vaste que son équivalent new-yorkais. Même si je n'y avais jamais mis les pieds, je savais qu'il accueillait beaucoup de jets privés. Ne connaissant que JFK, les lieux étaient une nouveauté pour moi. Je vis un bon nombre d'appareils d'une taille plus modeste que celle des gros-porteurs ordinaires, comme ceux qu'utilisaient les tour-opérateurs de luxe et les très riches.

Il fallait croire qu'aujourd'hui j'entrais dans cette catégorie, une perspective qui déclencha un frisson le long de ma colonne vertébrale. Je me frottai les bras. Bon sang! Dans quoi m'étais-je fourrée?

- Vous êtes certain que je n'aurai pas besoin de vêtements? demandai-je pour la troisième fois pendant que la limousine se garait devant terminal.

Je n'avais pas été autorisée à emporter quoi ce soit d'autre que les effets personnels que j'avais déjà au bureau, autrement dit mon sac à main et ce qu'il contenait. Je portais une jupe et un haut propre, mais pas suffisants pour un voyage transatlantique.

- On vous en fournira, explique Jeremiah. Votre contrat couvrira ces détails.

J'avais droit à ce genre de réponse à chacune de mes questions concernant ce départ surprise. A ce rythme, le fameux contrat allait être plus long qu'un roman de Tolstoï, et cette pensée ne fit rien pour calmer mes nerfs. Je n'avais encore rien signé. Je pouvais toujours m'en aller et trouver un autre emploi.

Brusquement, je m'imaginai retournant des hamburgers sur un gril pour gagner ma vie. J'en frémis, et une bouffée de tristesse me submergea. Étais-je condamnée à ça? N'avais-je donc aucune autre perspective? En relevant la tête, je vis que Jeremiah m'observait. Comme s'il pouvait déchiffrer mes pensées, même si ses traits de marbre n'affichaient aucune émotion. Agacée, peu désireuse qu'il se rende compte de mon indécision, je serrai les mâchoires et soutins son regard, refusant de détourner les yeux la première.

tout CE QU'IL VOUDRA        l'intégraleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant