LE ROI SANS PITIE

CHAPITRE THREE (part 1)

MARINA

J'envisage ma vie comme un général. Un tacticien. Chaque décision est pesée et exécutée avec précision. Mon père disait toujours que j'aurais dû être chirurgien, mais la seule chose que j'ai jamais eu envie de faire, c'est de fabriquer du whiskey. Il aurait voulu un fils pour perpétuer la tradition familiale, mais il a eu trois filles et je suis la seule qui savait faire la différence entre un single malt et un single barrel*.

Pour l'instant, j'ai besoin d'informations sur cet homme de l'ombre, je vais donc chercher à la source la plus évidente, Google. Je tape son nom et en moins d'une seconde le message suivant apparaît sur l'écran.

VOTRE RECHERCHE - LACHLAN MOUNT - NE CORRESPOND A AUCUN DOCUMENT.

C'est impossible. Je clique sur " Photos ", et rien n'apparaît. J'ajoute Nouvelle Orléans, et des dizaines de sites s'ouvrent avec des informations sur la ville, mais rien sur Lachlan Mount.

Je lance une douzaine de recherches supplémentaires, toutes avec le même résultat.

C'est comme s'il n'existait pas. Comme s'il était réellement le mythe, la légende que je croyais qu'il était avant de me retrouver face à lui.

Mais comment puis-je faire pour obtenir des infos sur lui, c'est un fantôme, même sur internet ?

***

La nuit dernière, je me suis retournée dans mon lit, au fur et à mesure que les minutes et les heures passaient et raccourcissaient mon délai. Mon petit appartement ne possède aucun arbre à billets de banque dans sa cour arrière, je peux donc affirmer que je n'ai pas avancé d'un pouce vers une possible solution. Je pourrais vendre un de mes reins, mais même ça, ça ne me rapporterait pas cinq cent mille dollars, je suppose. Il est vrai que je connais pas la cote des organes au marché noir, parce que, je suis une citoyenne normal et respectueuse de la loi. Je vends du whiskey. Je paie des impôts qui me donnent envie de vomir lorsque je rédige mon chèque. Mais je ne triche pas. Je joue selon les règles.

Lorsque j'entre dans la distillerie par la porte de côté, la chaleur dégagée par les trois énormes alambics me saisit. Certains trouveraient cela suffoquant. Moi ça me procure un sentiment de bien-être. C'est chez moi. Louis Artesian, mon chef de distillation, lève un verre en pleine lumière avant de le humer, puis de le goûter.

- Comment est-ce que ça se présente ?

Il tourne sa tête vers moi en souriant.

- Tu peux me croire, Marina, ça va être le meilleur qu'on a jamais fait.

Le sourire qui étire le coin de mes lèvres n'a rien de forcé. C'est de la fierté. Mon père va être fier de moi. J'ai pris un risque en changeant de fournisseur de grain, sans le lui dire, dois-je ajouter, et ça va finir par payer.

Si je pouvais garder la distillerie en fonctionnement assez longtemps pour que ça porte ses fruits.

Toute la nuit, j'ai envisagé différents scénarios. Les prêts que m'avait accordés la banque étaient basées sur le fait que je leur avais communiqué toutes mes autres dettes. J'ignorais tout de celle contractée auprès de Mount. Comment j'aurais pu le deviner ? Et si elle n'est ni contractée auprès de l'Etat n'enregistrée, peut-être qu'elle ne compte pas ? Ou se peut-il qu'il soit un créancier de second rang et qu'il soit en capacité d'imposer une saisie pour obtenir son dû après que les prêteurs initiaux ont été remboursés ? Je ne connais pas vraiment les tenants et les aboutissants de ces trucs légaux, qui plus est j'imagine que cela n'a pas d'importance. Je n'arrive pas à imaginer que Lachlan Mount respect les règles qui s'appliquent habituellement aux autres.