XXXVIII - Sliman

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« Si tu savais comme je l'aime
Ton petit cœur à la traîne
Et si tu as de la peine
Tu trouveras dans mes bras des milliers de "je t'aime"

On se bat contre un monde qui nous dit d'arrêter, mais
Dans le froid, dans les larmes, je serai ton bouclier
Si c'est trop, si t'as peur que tes mains vont me lâcher
Je te tiendrai plus fort, je serai le plus fort »
– Des milliers de je t'aime, Sliman

    Raphaël avait passé une mauvaise journée. Ça avait commencé avec sa prof de math qui l'avait accusé d'avoir triché à son dernier devoir. Pourquoi ? Parce qu'il avait eu une bonne note. Clairement, c'était l'hôpital qui se foutait de la charité. L'adolescent avait eu beau répéter qu'il n'avait pas triché, soutenu par Océane, l'adulte n'en avait pas démordu et elle avait divisé sa note par deux, la faisant passer de quatorze à sept sur vingt, le tout en lui balançant qu'il pouvait s'estimer heureux qu'elle ne lui ait pas mit un zéro. Et Raphaël n'avait pas du tout aimé. Il s'était énervé, la prof aussi, il avait finit par l'insulter et il s'était donc fait virer de cours avec la promesse de voir s'afficher un zéro sur son bulletin. Il en avait été tellement frustré qu'il avait démoli un casier à coups de poings. Il n'avait pas décoléré de toute la journée, s'attirant des remarques cinglantes de ses autres professeurs, ce qui n'avait, bien-sûr, fait que l'énerver d'avantage. Bon sang, ça lui apprendrait à travailler pour avoir des bonnes notes ! cette journée signait la fin de ses efforts, merde alors ! C'était suffisamment chiant de travailler alors si en plus ça ne servait rien, il n'allait certainement pas insister !
    L'injustice qu'il avait vécu occupait encore toute la place dans sa tête lorsque l'adolescent revint chez lui et ce malgré tous les efforts d'Océane pour la lui faire oublier. Et c'est pourquoi il ne dit pas non quand son frère l'attira dans le canapé en lui mettant un joint d'il ne savait trop quoi entre les doigts pour le « détendre ». C'est vrai qu'il était crispé, comment aurait-il pu ne pas l'être ? Il était tellement en colère... Raphaël tira une première taffe et manqua de tousser devant la proportion d'herbe – du shit, s'il ne se trompait pas – par rapport à celle du tabac et, presque immédiatement, il sentit sa tête lui tourner. Il s'affala contre les coussins du canapé pour reprendre une taffe et il rit à peine celle-ci fut-elle absorbé. Putain, il avait oublié à quel point fumer était bon. Neil lui reprit la drogue en riant et tira dessus, lui aussi, soufflant la fumée dans son visage. Raphaël ferma les yeux et inspira profondément pour bénéficier de ce que son frère recrachait. Il voulait oublier et être joyeux, même si c'était artificiel, même si ce n'était que le temps d'une soirée.
    L'excitation monta progressivement mais rapidement, et Raphaël ne chercha pas à lutter contre. Autour de lui, presque tout le monde était défoncé, son frère, mais aussi ses potes auxquelles il n'avait pas fait attention, et fumer était juste normal. Si ça se passait mal, l'adolescent n'aurait pas de filet de secours. Mais il s'en foutait et, à vrai dire, cette pensée ne traversa que très brièvement son esprit avant qu'il ne l'oublie. Son frère lui tapait la cuisse à intervalle régulier mais ça aussi il s'en foutait ; il était défoncé et il trouvait tout juste si hilarant, comme le fait que l'un des deux invités soit l'un des mec avec qui il s'était tapé en début de semaine. Le shit était vraiment l'une des meilleure invention de l'histoire.
    Tout se passa à peu près bien jusqu'à ce qu'une cinquième personne n'entre dans la maison. Le cœur de Raphaël tomba dans sa poitrine alors qu'il reconnaissait Ben. L'amusement et la jovialité redescendirent immédiatement et la peur vint prendre possession de tous ses sens, l'envahissant avant même qu'il puisse tenter de la refréner. Il se mit à trembler de manière incontrôlable, son souffle lui échappant et s'emballant alors que des dizaines de scénarios impliquant qu'il se retrouve au sol et qu'il souffre défilaient dans son esprit. Ben était venu pour ça, il le savait, pour le frapper, pour le mettre plus bas que terre, pour...
    Raphaël frissonna. Il allait mourir, il était persuadé qu'il allait mourir. Ben allait le tuer et ensuite il allait cacher son corps, et Neil dirait que ce serait d'sa faute, et personne ne retrouvait jamais les restes de son corps parce que personne n'en avait rien à foutre de lui, et il pourrirait à tout jamais dans un sac poubelle ou dans un trou creusé à la va vite il ne savait où, et tout le monde finirait par l'oublier, et Alex trouverait quelqu'un d'autre et il serait tellement plus heureux qu'avec lui, et il se dirait : au final, heureusement qu'il a disparu, et sa vie n'aurait pas de sens, et...

Le temps qu'il fautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant