Prologue - Cartographie

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Prologue

Entre les arbres, toute petite, petite, se dessinait sa silouhette, recroquevillée devant la fourmilière, elle leur parlait. Elles la comprenait, savait pourquoi elle ne priait pas un dieu mais les étoiles, pourquoi elle aimait tourner sur elle même à l'infini, sentir le vent sur sa peau et dans ses longs cheveux. Elles savaient aussi que tout au fond, tout au fond de son petit coeur, il y avait une âme, qu'on avait battu, avec des mots, avec des mains, une âme qui s'était fissuré avec le temps malgré qu'elle n'était pas bien vieille. Alors, à défaut de s'approcher des dangereux semblables -mais l'étaient-t-ils vraiment ? - elle leur parlait, s'improvisait reine ou guerrière, roi parfois, mais plus jamais de princesse en détresse, elle saurait être son propre sauveur désormais. Elle chevaucherait des montagnes, et franchirait des chevaux, enfin peut-être pas dans cet ordre là, les mots étaient un peu flous dans sa tête un peu, beaucoup embuée, mais elle se jurait que plus tard elle saurait s'en servir, saurait jouer avec, elle écrirait des poèmes passionnés sur les constellations. Et elle aurait une reine aussi, les rois lui avait fait trop de mal.

Sur sa joue, avançant de petits et rapides pas sur sa peau diaphane, était une fourmi, elle l'appellerait... Eli, elle l'appellerait Eli, c'était un nom doux, qui ne faisait pas peur, qui lui rapellait le printemps et ses fleurs, au printemps il y avait toujours pleins de joyeuses fourmi, alors elle l'appellerait Eli...

« Eli...Tu veux bien être mon amie ? C'est que je n'en ai pas beaucoup, ce n'est pas que j'en ai besoin mais pouvoir discuter avec quelqu'un de réel, pas juste les gens dans ma tête, on pourrait faire pleins de choses, peut-être dans ce monde imparfait, sûrement en rêve... On traverserait des océans, on se battrait avec de grandes épées sans blesser personne, à part les méchants, à part le grand ours et la meute de loup, mais pas les tuer, juste les empêcher de recommencer, pour pas que les autres soit comme moi, tristes, perdus, égarés, seuls, en bref, cassés. Il faut pas casser les choses, mais comment on fait quand c'est déjà cassé ?

La petite regarda la minuscule fourmi, maintenant sur son avant bras, est-ce qu'elle comprenait ? Est-ce que quelqu'un pouvait comprendre ?

- Tu peux pas parler toi non plus, dis ? Tu peux pas dire ce que t'as sur le cœur, tu doit le cacher tout au fond de l'océan des secrets, dans un coffre, verrouillé avec une clé que tu doit toujours avoir avec toi, et qui pèse lourd, très lourd, et ça fait mal des fois, parce que c'est trop lourd, personne peut porter ça, mais toi, tu dois. Et alors toi aussi tu plonges tout au fond d'une mer, dont tu peut plus remonter, la mer du silence, qui amène vite, très vite dans l'océan de la tristesse, mais tu voit pas que ça va vite, parce que c'est comme si tout était arrêté, comme si on restait sur une seconde des sentiments en boucle, jusqu'à se rendre compte qu'on a fait naufrage, et après on sait plus trop quoi faire. Et on pleure, beaucoup, jusqu'à créer un autre océan de larmes, l'océan de la solitude, qui vous isole des autres, enfin vous pouvez toujours vous en approcher, mais votre petite âme, avec la grande clé, elle, elle reste tout au fond de l'océan, jusqu'à devenir une épave, mais on la retrouvera pas, parce que ça intéresse personne un vieux bateau déjà pillé... Désolée je m'emmêle dans ce que je dis, et puis je dois rentrer chez moi, à demain Eli. »

La fille aux fourmisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant