17. Serait-il venu le temps de prendre un nouveau départ ?

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Je m'étire de tout mon poids contre la table basse, quelques os craquent et mes mains balaient à l'aveuglette un livre ou deux sur leur passage. FuryFuryus fait claquer sa langue contre son palais, excédé. Le chignon qu'il a voulu étroit sur sa tête un peu rouge s'est effiloché et n'a plus de forme, mis à part un gribouillis incompréhensible qui laisse échapper des tas de mèches rebelles autour de lui comme s'il fut le plus beau des palmiers. J'étais à moitié sérieux, il était toujours aussi privilégié des standards de beauté, même coiffé comme un arbre.


- Je les ai empruntés à la bibliothèque ceux-là, tu vas les abîmer espèce de brute !

- J'en peux plus, je suis épuisé, fourbu, mort, tout ce que tu veux...

- Bois un café au lait ! Je t'en prépare un ? Un thé peut être ?

- Non, je préfère mourir que de goûter à ton thé ignoble ! Pas de café non plus berk !

- Tu n'y as jamais touché, même du bout des lèvres ! proteste mon ami les poings sur les hanches.

- HAHA, heureusement, sinon, j'aurais vomi HAHA.


Il a un geste agacé et m'ignore, préférant reporter son attention sur ses acides animés ou je ne sais plus le nom. 


- Où trouve-t-on des protéines Solius ?

- Euh, je fais incrédule, dans le saucisson ?

- Tu es un âne, si je pouvais, je te taperai le dos avec une cuillère comme l'autre monsieur tout roux là... 

- Peuf !


Je lève mon manuel ouvert pour le tenir debout devant moi, érigeant une muraille entre FuryFurieux et moi. Au milieu de la police minuscule qui se comprime entre les pages cornées, des photographies familières s'interposent, constamment les mêmes rarissimes prises entre deux blocs de bétons, entre deux sites en ruines. 


- Les cheveux Solius, ce sont de belles protéines. Tu me laisses gober les tiens ?

- C'est presque ce que j'ai dit, je bougonne de mauvaise foi, traçant pensivement les contours des images en noir et blanc.


Quand j'y pense, le téléviseur nous avait montré dans un premier temps ce même genre de paysages macabres où les survivants se terrent comme des fourmis molles entre les restes de maisons, les nez dans leurs foulards, la mine poudreuse et mouillée. Mais dans la courte séquence, il n'y avait pas encore de ces survivants déboussolés justement, rien que des bombes chutant dans un ciel sans nuages.  


Jusqu'à ce que le soleil de midi pointe au dehors, nous étudions ardemment, enfin, moi j'essaie et mon ami étudie bien sérieusement, il a une sacrée mémoire. J'ai arrêté d'essayer de le suivre et mise sur les seuls points forts que je réussis à dénicher dans mon parcours scolaire.


- Je mise tout sur la littérature et les langues anciennes en terme de gros coeff !

- Même pas les maths ?

- (je ris jaune) J'ai une tête à savoir poser des équations et d'autres primitives trucs ?

- Faut une tête à ça ?

- Celle de Tolys par exemple. Un front ridé à force de froncer les sourcils (je l'imite, plissant si fort mon visage qu'il a l'allure d'un raisin sec).

Qui l'eût cru qu'un jour, une grande chèvre me renverserait ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant