9- pauvre petite fille riche

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PDV de Heidna
J'avais beau observer en détail le jardin, rien n'avait changé dans ce dernier.
- c'est vraiment étrange ça... Chuchotais-je à moi même. C'est marrant à quel point le cerveau tente par tous les moyens d'expliquer l'inexplicable.

- Qu'est-ce qui est étrange mademoiselle ? La voix douce et dynamique d'un jeune homme me fit sursauter et me décrocher de mes réflexions.
Je me retournais face à mon interlocuteur.
C'était Élias avec son ballet qui venait ramasser les bouts de verre. Il allait falloir bien plus que d'un simple ballet pour cacher le désastre qu'avait mis Ascian ...

-Oh rien! J'aurais juré voir un homme passer par cette fenêtre. Dis-je d'un ton incrédule pour tenter en réalité de le faire parler sans paraître folle. Mais ma tentative de manipulation fût un échec. Il me gratifia seulement d'un grand sourire que je ne parvenais pas à interpréter.
Essayait-il de cacher quelque chose ou pensait-il que je racontais n'importe quoi pour rire?

-tu te demandes pas ce qu'il c'est passé ? Lui demandais-je pour remplir le vide qui c'était installé entre nous et éviter que la gêne ambiante devienne étouffante. J'aurais pû partir mais je voulais pas lâcher le morceau... Je voulais être certaine de n'être pas folle.

-J'ai dû prendre l'habitude de ne plus me pauser de questions sur ce qui peut bien se passer ici.
La façon dont il disait les choses me paraissait étrange, un robot aurait pû se comporter ainsi. Il semblait obéir aveuglément aux règles du manoir. Comment un être humain pouvait-il être aussi peu curieux et surtout passer d'un jeune homme souriant qui discutait avec moi à table, à un être froid et peu bavard comme si il passait en pilote automatique à chaque fois que je posais des questions sur Ascian ou sur le manoir...
D'un coup j'eus l'impression de me sentir à l'étroit dans cette large pièce, ma respiration s'accéléra et mon poux suivit le même rythme. Je reculais doucement vers le mur perpendiculaire à la fenêtre jusqu'à être assez loin de Élias qui était plongé dans sa tâche. Une fois assez loin de lui je partis rapidement vers la sortie de la bibliothèque en direction du fond du couloir sombre où se trouvait ma chambre.
Tout ça n'avait vraiment aucun sens.
J'avais l'impression d'être la seule à avoir des comportements normaux dans cette maison, d'être curieuse, de chercher à comprendre, de fouiner partout, d'être en colère parfois ou triste. Ici tout le monde était toujours soit heureux soit neutre, il n'y avait jamais eu d'histoire entre les différents membres du personnel, ni d'histoire d'amour ni de problèmes familiaux ni de fêtes de départ. Le personnel entrait et restait jusqu'à leur mort dans cet endroit, sauf dans certains cas où ils disparaissent du jour au lendemain sans que personne ne se pose de questions. Tout ça était étrange, je l'avais déjà remarqué mais là ce qui venait de se passer était beaucoup trop grave pour que l'on réagisse comme si tout allait pour le mieux. Un homme était MORT,enfin il était passé par une fenêtre violemment, il n'y avait même pas de sang au sol.
Il aurait dû en avoir.
Mais rien.
Ça n'avait aucun sens.
Cette dernière phrase tournait en boucle dans ma tête.
J'avais beau tenter de comprendre, aucune explication rationnelle ne parvenait à se frayer un chemin dans mon esprit.
À ce moment-là je me senti bloquée dans cet endroit. Comme une révélation brutale je compris que j'étais retenue captive dans une immense demeure depuis petite. Finalement dès ma naissance on m'avait enfermé.
Enfermé dans un couvant.
Enfermé dans un manoir.
Est-ce comme ça que je vais finir mes jours ?
Je n'ai rien fait de ma vie, si ce n'est qu'obéir et savourer la vie grandiose que l'on m'offrait dans cette cage dorée. Je n'ai rien vu du monde non plus si ce n'est à travers les descriptions de mes livres qui décrivaient des pays tous plus beaux les uns que les autres, que je ne pourrais sans doute jamais voir.
J'étais en colère, je voulais sortir du déni dans lequel on m'avait forcé à rester et que j'avais moi même cautionné. Mais rien de tout cela était normal, je m'étais laissé enfermée dans ce manoir savourant mon existence de conte de fée. Mais rien de tout cela n'était réel. Ce n'était pas une vie que de vivre à travers les récits des autres...
Je voulais moi aussi tout ressentir, des émotions les plus simples comme l'admiration face à de nouveaux paysages jusqu'aux émotions les plus fortes, celles qui s'emparent de tout notre être comme la rage ou ... l'amour.
Mais quelque chose de tout aussi intense et captivant me retenait ici. La quête de réponses était tout aussi stimulante que de sortir découvrir le monde.
Cependant l'un n'empêchait pas l'autre...
Peut être qu'autre chose me forçait à rester. Quelqu'un qui me faisait ressentir des choses que je ne pourrais d'écrire mais qui secouaient mon âme toute entière. Chaque seconde passée à ses côtés était un pas de plus dans un monde nouveau, un monde que je désespérais de pouvoir découvrir dans son intégralité un jour. C'était comme si à chaque fois que j'apprenais quelque chose, je me retrouvais d'autant plus perdu dans le mystère qui nous unit Ascian et moi...
Mais ce jeu me plaisait, il mêlait stratégie et manipulation dans le seul but de mieux comprendre qui il était et pourquoi je me retrouvais dans sa vie.

Peut être que je devrais le pousser à bout comme son frère l'avait fait tout à l'heure pour arriver à attirer son attention.
Accessoirement je comptais bien repousser les limites qu'il avait instauré et bien lui faire comprendre que je n'étais plus aveugle sur ce qui pouvait bien se passer ici.
En réalité je ne comprenais pas grand chose mais je comptais bien résoudre cet énième mystère. La seule certitude que j'avais c'était que lui obéir et rester sagement enfermée n'était définitivement plus pour moi. J'avais soif de découvertes, de réponses et de vengeance...

La Protégée du Vampire. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant