Chapitre 7 : La raison

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Je commençais à connaître assez les silences de Noé. Lui aussi commençait à connaître les miens. Souvent, il est plus facile de connaître les silences d'une personne que la personne elle-même. Je pouvais savoir quand Noé marquait une pause pour réfléchir, ou bien pour se reposer de parler, parce qu'il en avait besoin. De même, il semblait s'être habitué à mon introversion et à ma mauvaise humeur, qui ensemble ne me permettaient pas de parler beaucoup longtemps. Chacun de nous avait ainsi ses temps d'intermittence. On les respectait comme si on nous avait dit de le faire. Mais en général, peu importe duquel de nous deux ces silences étaient issus, ils finissaient défaits par la voix impatiente et curieuse de Noé.

— Ça va, Ange ?

Je commençais à connaître assez les silences de Noé. Lui aussi commençait à connaître les miens. Souvent, il est plus facile de connaître les silences d'une personne que la personne elle-même. Je pouvais savoir quand Noé marquait une pause pour réfléchir, ou bien pour se reposer de parler, parce qu'il en avait besoin. De même, il semblait s'être habitué à mon introversion et à ma mauvaise humeur, qui ensemble ne me permettaient pas de parler beaucoup et longtemps en même temps. Chacun de nous avait ainsi ses temps d'intermittence. On les respectait comme si on nous avait dit de le faire. Mais en général, peu importe duquel de nous deux ces silences étaient issus, ils finissaient défaits par la voix impatiente et curieuse de Noé.

— Oui, fis-je, ça va.

Je vis à ma montre que j'étais resté inaccessible plusieurs minutes. Noé avait patienté sagement.

— Tu étais ailleurs, l'entendis-je dire en mettant dans son sourire beaucoup de douceur. C'est le mot de « frères de l'été » qui t'a fait cet effet ?

Je me grattai la nuque.

— Pas vraiment, dis-je sans intérêt. Je suis juste un peu fatigué, désolé.

— Pas de problèmes. Je n'ai pas de frères et sœurs, avoua Noé comme en s'excusant, c'est pour ça que j'ai pensé immédiatement qu'on pouvait être « frères de l'été ». Pardonne-moi si je me suis un peu trop avancé. Si le mot ne te convient pas ou te met mal à l'aise, que dirais-tu de changer ? A la place, on peut dire « compagnons » de l'été ? L'idée du partage de sang est écarté, mais celle de la proximité du cœur reste.

— Noé, je n'ai pas de problème avec ce mot, rétorquai-je en soupirant. D'ailleurs, je ne suis pas fils unique.

— Oh ! Quoi, et tu m'as caché ça ? Tu as quoi ? Une grande sœur ? Un petit frère ? Une petite sœur ? Un grand frère ?

— Le premier. Mais on a beaucoup d'années d'écart. Elle ne vit plus à la maison.

— Une grande sœur, répéta-t-il plein d'extase. Tu es le petit frère de quelqu'un. Comme je t'envie ! ajouta-t-il dans une profonde admiration.

J'haussai les épaules. Il ne savait rien. Très certainement il ne tiendrait pas le même discours, s'il était installé à une autre loge que celle qu'il avait dans les balcons de ma vie. Très certainement, s'il n'était pas à cette place privilégiée de mon existence qui lui permettait d'imaginer tout et n'importe quoi, il n'aurait pas cette affection dans l'aura et ce calme dans son attitude ; et exactement de la sorte que je n'étais pas le même Ange avec lui, il ne serait pas le même Noé avec moi.

— Si j'avais une sœur, enchaîna Noé rêveur aussitôt, j'aimerais partager tout plein d'activités avec elle.

— Ah bon, commentai-je avec l'humeur qui m'était devenue celle des mercredis.

— Oui. Je parlerais des heures et des heures avec elle, on s'éterniserait à parler en détail de nos vies, de ce qu'on pense des gens, du monde, de nos chansons préférées, de nos lectures et de... il s'arrêta ; Oh ! Ange, est-ce que tu aimes la poésie ?

Ange et NoéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant