She's Lost Control

CHAPITRE 31 - The Mind Flayer Part. IV

4 Novembre 1984.

Une partie de son esprit est consciente d'être assise sur le comptoir de la cuisine des Byers. Le robinet de l'évier, à sa gauche, laisse échapper un goutte à goutte régulier et discret. Elle a conscience de ses mains croisées entre ses cuisses et de la voix d'Hopper, qui est au téléphone devant elle, de l'autre côté de la table ronde où sont installé Dustin, Lucas, Mike et Max. La nuit lui semble infinie—comme si les secondes étaient devenues un siècle chacune. Elle a conscience de la voix de Jonathan, qui parle doucement à son petit frère toujours inconscient, allongé sur le canapé dans le salon. Elle a conscience du vide sidéral qu'elle fixe obstinément depuis plusieurs minutes. Du monde qui se dérobe sous elle et de la façon dont son coeur n'arrive pas à battre normalement.

— Jo, reste avec moi.

Jo cilla lentement en entendant la voix familière de son jumeau, relevant la tête vers le garçon qui se tenait debout devant elle. Il avait les sourcils froncés—ce léger pli qu'elle connaissait par coeur, qui se révélait à la moindre contrariété. Est-ce qu'il était en colère contre elle ? Elle baissa la tête sur le gant de toilette humide qu'il tenait à la main. Un geste protecteur en suspension. Ses joues picotaient très légèrement là où il avait passé le linge pour la débarbouiller. Reste avec moi. Non, pas en colère. Inquiet.

Jo secoua la tête avec une lenteur insupportable, ses tympans bourdonnant d'échos de cris et de grognements qui se répétaient en boucle. Aucun nouvel écho ne brouillait sa vision, mais tous ceux qu'elle avait subi dans la journée avaient créé une migraine fulgurante qui encerclait son front. Elle avait l'impression que son crâne allait se fendre en deux.

Steve l'observa avec attention alors que de nouvelles larmes roulaient sur ses joues sans qu'elle ne semble s'en rendre compte, et il se pencha vers elle, l'attirant entre ses bras pour la serrer contre lui.

Elle se laissa faire, rassurée par la présence bien réelle de son frère ici, avec elle. Elle avait l'impression d'être une poupée de chiffon qu'on aurait essoré de son essence vitale. Un pantin vide, oublié dans le fond d'un placard.

— Sam Owens, lança la voix d'Hopper, perdant patience. Docteur Sam Owens.

Son visage enfoui contre le cou de son jumeau, Jo releva ses iris fatigués sur la longue silhouette du shérif, l'observant pincer les lèvres de frustration alors qu'il écoutait la femme avec qui il était au téléphone, une main plongée dans la poche de sa veste.

— Je ne sais pas combien de personnes il y a là-bas ! s'emporta Hopper. Je ne sais pas combien de personnes sont encore en vie ! (...) Je suis la police ! Chef Jim Hopper !

Steve se détacha de sa soeur pour lancer un regard curieux par-dessus son épaule, fixant le shérif qui piétinait nerveusement le sol.

— Oui, le numéro que je vous ai donné, reprit Jim d'une voix résignée, avant de faire un pas de côté pour lire le numéro du fixe placardé à droite du téléphone. Six sept, six sept. Je serais là, il ajouta, avant de raccrocher d'un geste agacé.

— Ils vous ont pas cru, pas vrai ? lança Dustin après un court silence.

Jo lança un regard au garçon qui se tenait debout dos à elle, ses paumes de main posées sur la table.

— On verra, répondit Jim, avant de leur offrir un sourire rassurant qui manquait de conviction.

— « On verra » ? répéta Mike d'un air éberlué. On va pas rester ici pendant que ces choses sont en liberté dans la nature !

— On reste ici, et on attend de l'aide, déclara le shérif — et cette fois sa voix était grave et sans hésitation.

Jo le regarda s'éloigner pour aller voir Joyce, enfermée dans sa chambre pour pleurer la mort de Bob. Le silence revint autour d'eux, dense et attentif. Elle frissonna légèrement — de froid, de fatigue, de peur résiduelle — et elle sentit son frère s'installer à côté d'elle contre le comptoir et enrouler un bras autour de ses épaules, l'attirant à nouveau à lui. Elle se laissa faire, posant sa tête dans le creux de son cou alors que Dustin se rasseyait sur sa chaise sans rien ajouter.