Immersion

Monsieur PAYET,

J'ai l'honneur de vous convier à la visite d'un lieu très spécial. Construit il y a de nombreuses années, il renferme de précieux souvenirs du passé. Désormais écarté de sa fonction principale, il témoigne néanmoins de son importance dans notre société.

Avez-vous envie d'en savoir plus ? Renvoyez-nous votre formulaire d'inscription dès que possible. Attention, les places sont rares et nous vous avons sélectionné avec la plus grande attention. Êtes-vous prêt à plonger dans l'histoire de notre monde ?

***

Tobias était installé dans le train qui le menait vers sa destination de vacances. Vacances, c'était peut-être un bien grand mot, puisqu'il était incapable de se reposer plus de cinq minutes. Sa valise était posée un peu plus loin et il regardait le paysage défiler par la fenêtre. Dans sa poche, il y avait un papier un peu étrange, un peu jauni par le temps, bien qu'il soupçonnait que cet effet ne soit qu'artificiel. Quelques lettres étaient couchées dessus et il était bien précisé qu'il devait amener son invitation s'il espérait entrer dans ce lieu si mystérieux.

Le jeune homme avait hésité plusieurs jours durant. Était-ce prudent d'aller dans un endroit inconnu, avec des personnes inconnues, pour des activités inconnues ? Probablement pas. Cependant, la prudence ne faisait pas partie de son vocabulaire. C'était d'ailleurs la raison principale de sa précédente rupture. C'était donc tout naturellement que Tobias avait renvoyé le formulaire et en avait profité pour réserver un hôtel à quelques kilomètres de l'endroit, pour prolonger son voyage.

Les minutes passèrent et Tobias sentit ses paupières s'alourdir. Il regarda sa montre et soupira. Il restait deux bonnes heures de trajet et son arrêt était le dernier. Que risquait-il à faire une petite sieste ? Il se cala bien au fond de son siège, ferma les yeux et se laissa bercer par le train en marche.

Son sommeil fut interrompu par le bruit des freins. Il papillonna des yeux avant de se souvenir où il était et pourquoi. Il vérifia rapidement que toutes ses affaires étaient là et se leva pour les récupérer. Enfin, le train s'arrêta dans sa course et Tobias se dirigea vers la porte de sortie. Quelqu'un devait venir le chercher à la gare, ce qui le rassurait. La ville était petite, disait-on, tellement petite qu'il n'avait réussi à la trouver sur aucune carte. Il avait pourtant passé des heures sur internet pour glaner des informations, en vain. Il aurait été incapable de trouver son chemin seul.

Après avoir descendu les marches, Tobias regarda autour de lui pour trouver la bonne direction. Un panneau lui indiqua le parking et il s'y engouffra, non sans briser le silence avec les roulettes de sa valise. Il était l'unique passager à être descendu du train. En regardant autour de lui, il commençait à comprendre pourquoi.

Le parking était couvert, ce qui lui permit de ne pas être trempé par la pluie. La nuit n'était pas encore là mais le temps était tellement mauvais qu'il n'y voyait pas à cinq mètres. Était-ce vraiment des vacances, dans ces conditions ? Le jeune homme fut surpris par sa négativité. Il n'était pas du genre à se plaindre, au contraire. S'il fallait danser sous la pluie, il était le premier à se lancer. Il mit ça sur le compte de son réveil récent et se posa contre un mur. Il n'y avait personne et pourtant, il était certain d'être à l'heure.

Le jeune homme attendit une bonne demi-heure avant qu'une Cadillac eldorado ne s'arrête à sa hauteur. Un homme d'une cinquantaine d'années en descendit et vint lui ouvrir la porte arrière. Tobias n'était pas habitué à autant de manières mais il ne se fit pas prier avant de monter dans le véhicule. La pluie n'était pas ce qu'il aimait le plus et l'air se rafraîchissait très vite. L'odeur de cuir emplit ses narines avant même qu'il n'ait fini de s'asseoir et il se sentit mal à l'aise. La portière se referma, puis le coffre, et le chauffeur se réinstalla à sa place. Tobias ne lui prêta pas grande attention et sortit son téléphone pour ouvrir son réseau social préféré. Il adorait partager son quotidien avec ses abonnés, qui commençaient à être nombreux. Puisqu'il n'avait ni famille ni ami, c'était son moyen pour garder contact avec d'autres êtres humains.