28

7.1K 302 229
                                    

Les larmes brouillent ma vision, mes jambes flageolent à chaque pas, alors que je dévale les escaliers. Chaque mouvement est douloureux, un combat contre moi-même. Mon cœur cogne si fort dans ma poitrine qu'il résonne dans mes tempes, dans mes veines, comme une alarme qui refuse de s'éteindre.

Aaron. Enzo.

Leurs mots tournent en boucle dans ma tête, un écho incessant, insupportable, qui m'écrase.

Mes sentiments pour Aaron me déchirent, une douleur à vif qui ne cesse de grandir. Mon attachement naissant pour Enzo m'empoisonne, me déstabilise. Est-ce qu'il s'est vraiment joué de moi ? Depuis le début ? Juste pour assouvir une vengeance mesquine ?

Je refuse d'y croire. Je ne peux pas y croire. Pas après tout ce qu'on a traversé. Je revois encore le Gala, cette nuit où il s'est effondré devant moi, vulnérable, brisé. Ses cicatrices, ses mutilations, ses aveux sur ses démons intérieurs, ses addictions sombres qu'il ne partage avec personne. Il m'a révélé une partie de lui que personne n'a jamais vue. Si je n'étais qu'un pion à ses yeux, pourquoi se serait-il livré à moi ainsi ?

Son regard me revient, cette lueur particulière, presque tendre, quand nos corps se frôlaient. Les moments où nos silences parlaient plus fort que n'importe quel mot.

Enzo a toujours été là. Malgré son caractère imprévisible, il m'a offert une stabilité que je n'avais plus depuis la disparition d'Aaron. Il me comprenait dans mes silences, dans ces regards échangés où les mots étaient inutiles. Nous partagions un lien étrange, difficile à définir, mais bien présent. Une sorte d'équilibre fragile entre nous. Jusqu'au retour d'Aaron, qui a tout bouleversé.

Je trébuche presque en arrivant dans le hall d'entrée du siège, mes pensées en vrac. Je réalise que je n'ai nulle part où aller. Le lotissement doit encore être un champ de bataille, des corps éparpillés, des hommes s'affairant à nettoyer les horreurs de la nuit.

Je n'ai besoin que d'une chose : ma chambre, mon lit. Je veux m'effondrer, laisser tomber ce masque de force que je porte depuis trop longtemps. Je veux pleurer, m'abandonner à cette douleur qui me broie de l'intérieur, loin des regards, dans un endroit où personne ne viendra me chercher. Où je pourrai enfin me laisser aller à cette souffrance qui me consume, cette peine qui écrase ma poitrine comme un poids insupportable. Mon cœur ne supporte plus et est incapable de savoir quoi croire, incapable de savoir qui croire.

- Mademoiselle Aspen, est-ce que tout va bien ? S'inquiète un homme montant la garde devant les imposantes portes.

Des mèches rebelles me cachent la vue, et je les écarte d'une main tremblante.

- Emmenez moi à la maison. S'il vous plaît... Murmurais-je faiblement, la voix brisée.

Un éclair de compassion traverse son regard quand il tend la main pour me soutenir. Avec une douceur inattendue, il m'accompagne jusqu'à un van aux vitres teintées.

- Dois-je prévenir quelqu'un ? Me demande-t-il poliment en m'aidant à prendre place sur la banquette arrière.

J'esquisse une grimace de douleur en m'appuyant contre le siège. Le moindre mouvement me semble être un supplice.

- J'enverrai un message à Monsieur Hortens pour le prévenir que je rentre. Soufflais-je en portant une main à mon épaule qui me lance.

L'homme hoche doucement la tête, et referme la portière en m'adressant un léger sourire plein d'empathie.

Mes paupières se ferment alors que l'inconnu s'installe au volant du véhicule.

Je me sens faible et sale. Les émotions de la journée sont arrivées à bout de moi.

Yours (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant