Rêves, bonheur et raison.

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"Selon vous, le bonheur dépend-t-il de la raison ?"

«Vous avez quatre heures.»

Les mines qui grattent contre le papier. Les esprits qui s'enfument déjà, les idées qui s'envolent, les brouillons qui s'esquissent, les paragraphes qui s'écrivent à la hâte.

Et moi.

Mon esprit brumeux, mon coeur qui s'emballe devant le sujet vide de sens, comme si la question me riait au nez. C'est une question piège ?
Mon souffle qui s'accélère, mon crayon qui tremble, mes mains qui font de même, mes idées qui ne naissent pas et mon brouillon qui reste page blanche.

Le grattement insupportable des autres crayons, celui inaudible du mien puisque je n'écris pas. Qu'y a-t-il à écrire ? "Selon moi, le bonheur ne dépend pas de la raison car..."

C'est marrant, cette inspiration dont ils disposent tous, alors qu'il s'agit de définir quelque chose d'aussi libre que le bonheur. Le bonheur qui est propre à chacuns, celui après qui nous courons tous, comme des moutons aveuglés par la fin du voyage.

Peut-on vraiment limiter le bonheur à la raison ?

Les autres écrivent. Mon stylos ne bouge pas. Les autres réfléchissent, raisonnent avec logique. Je ne le fais pas. Que dire, que dire ? "Le bonheur ne dépend pas de la raison car..."

Car quoi, en fait ? Pourquoi le bonheur ne dépend-t-il pas de la raison ?

Peut-être parce que nous dépendons de lui. Peut-être parce que notre course aveugle après lui nous pousse à oublier les choses futiles comme la raison. Peut-être parce que l'instinct l'emportera toujours sur celle-ci.

Mais justement, n'avons nous pas réduit l'instinct de survie à la raison ?
La loi n'est-elle pas la raison ? La loi est-elle juste ? Et si le monde s'éffondrait, est ce que la raison serait toujours nécéssaire ?

Le bruit des mines qui grattent le papier, celui des immeubles qui s'éffondrent, les cris stridents des victimes, la panique, les alarmes de police et celles des ambulances, les ruelles sombres et les cachettes éphémères.

Le bruit de la raison qui s'envole, celui des lois qui se brisent, les marteaux qui ne rendent plus de jugement, la politique qui n'en émet plus. Voilà, le monde s'est éffondré.

Les villes sont vides, les survivants implorent ma pitié.

Le ciel obscure se tâche de sang, les étoiles disparaissent, les flammes s'éteignent, c'est le silence.

Le jour renaît, le bleu fait pâle figure, les oiseaux siflottent, les âmes sont poussières d'étoiles montées colorer la voûte céleste.

Le monde s'en sort, la raison non. Elle lutte en vain dans certaines consciences, puis faiblit comme le ferait la beauté d'une rose fanant de jours en jours.

L'instinct de survie peuple les esprits restants, taillant les couteaux et durcissant les corps.

Le bonheur se cache.

Je le trouve, sa petite bouille d'ange m'offrant des yeux brillants de promesses, caché entre deux poubelles.

Je l'emmène avec moi, au mépris de la raison. D'autres me poursuivent, coursent le bonheur que je tiens dans les bras. Ils n'ont que faire de la raison, ils veulent être heureux.

Je les comprends. Alors je cours plus vite, j'oublie leur besoin et ma conscience, je cours juste, profitant de la chaleur exquise que m'offre le petit être au creux de mes bras.

Il a une gueule adorable, alors quand je m'arrête dans une ruelle cachée de tout, je tente de l'embrasser. Nos lèvres se frôlent, autant que mon coeur s'emballe de joie.

« Il vous reste cinq minutes.»

Le bruit des mines qui grattent le papier, la feuille remplie de signes à l'encre noire devant moi, mon bonheur qui s'évapore de mes bras aussitôt que j'abandonne mon monde apocalyptique.

Le bruit des minent qui grattent le papier, celui de mes pas rapides, l'image de cinq feuilles remplies recto verso déposées sur le bureau s'imprimant dans mon esprit comme le dernier souvenir que j'aurai du lycée.

Les portes claquent, je sors. Respirer peut attendre, j'ai le bonheur à trouver avant la fin du monde.

Et on s'en fout du regard des autres, parce qu'en vrai c'est ça la raison. "Tu peux pas faire ça, que penseraient-ils de toi...".

On s'en fout parce que demain tout le monde aura oublié comment avoir une conscience, et tout le monde se ruera sur la bouille d'ange du bonheur. Alors, mieux vaut le trouver maintenant et s'enfuir avec.

Fin.

Voilà, juste le produit de l'inspiration qui m'a prise à minuit pile, l'amas de mots qui s'est emmêlé dans ma tête et qui s'est étalé en un noeud bizarre dans ce chapitre.

Je ne cherche pas à me faire comprendre ici, j'écris dans un style différent pour cela. Là, j'avais juste envie d'accorder à mes pensées l'écoute qu'elles méritaient, et ça a donné ça.

Cela sera sûrement perdu sur Wattpad, mais l'idée me plaît énormément.

C'est juste un petit monde long d'un chapitre qui s'est échappé de mes pensées, et qui s'est égaré dans les lymbes sombres de cette appli.

Oups, on dirait bien que mon bonheur a échappé à la raison... ;)

Inspiration d'une nuit Où les histoires vivent. Découvrez maintenant