« Il était une fois, un vieux sculpteur qui vivait il y a fort longtemps. Il habitait un petit village, au cœur de la montagne, peuplé de personnes chaleureuses, avenantes et emplies de joie de vivre. Mais un fléau s'abattît sur ce petit village et chacun des habitants succomba à une maladie fort agressive. Seul le sculpteur survécut. Mais doit on considérer cela comme témoignant de la chance incroyable du sculpteur, ou bien au contraire, de l'immense infortune qui le hantait. Le sculpteur voulait mourir, afin de rejoindre sa femme et sa fille, ainsi que tous ceux qu'il aimait. Cependant, avant de partir, il voulut conserver la mémoire des habitants de ce petit village, perdu au fin fond de la montagne. Il voulait que chaque personne de passage puisse apercevoir le visage joyeux de sa famille, de ses amis. Alors le sculpteur s'empara de ses outils et commença à marteler la pierre. Il martela, martela, encore et encore, jour après jour. Il reproduisit dans la pierre d'abord les visages, puis les corps, essayant d'être le plus précis possible. Lorsque son dur labeur fut enfin terminé, notre sculpteur était devenu un vieux monsieur et notre village commençait doucement à se faire engloutir par la nature. Pendant des années et des années, le vieux sculpteur s'était apprêté à sa tâche, mangeant et buvant uniquement pour survivre. Lorsque la dernière sculpture fut terminée, le vieux sculpteur sourit. Pour la première fois depuis des années. Il avait tellement bien travaillé qu'on aurait presque dit que ses sculptures allaient prendre vie. Le soir même, alors que la pleine lune brillait haut et fort dans le ciel, le sculpteur fit ce voeu. Il voulait tellement les revoir marcher, et parler. C'est pourquoi cette nuit la, il leva les yeux sur cette magnifique lune, qui brillait telle une perle, et, la regardant réellement pour la première depuis longtemps, il adressa son vœu, en espérant que quelqu'un l'écoute. Il s'endormit ensuite, sur le sol, au milieu de ses amis de pierre. Il avait fermé les yeux pour partir dans un sommeil éternel, mais lorsque les rayons du soleil lui caressèrent doucement le visage, le vieux sculpteur rouvrit les yeux de nouveau, étonné d'être encore en vie. Mais ce qui t'étonna le plus, ce fut d'apercevoir autour de lui, les visages aimants de ses amis. Mais ce n'étaient plus des visages de pierre, mais bel et bien des visages de personnes de vivantes. C'est alors que le vieux sculpteur pleura. Il pleura encore et encore, sans pouvoir s'arrêter, tant il était heureux de tous les retrouver. Mais cependant, les villageois ne le virent pas. Il était pourtant bien la, au milieu de toute cette foule qui ne semblait d'ailleurs pas étonnée de se trouver au milieu de la place du village, sans se souvenir de comment ils en étaient arrivés là. Le vieux sculpteur tenta de les appeler, d'attirer leur attention. Mais lorsqu'il tente d'attraper la main ou l'épaule d'un ancien camarade, il ne put que traverser leur corps, impuissant : le vieux sculpteur était devenu qu'un simple mirage. Il ne pouvait que regarder son village vivre, sans qu'il ne se souvienne de l'existence du sculpteur : que ce soit sa femme, sa fille, ou bien son compagnon de beuverie.
Le vieux sculpteur accepta son destin, heureux de revoir ses amis vivants. Il se décida alors de s'éloigner, afin de ne pas hanter les lieux. Mais lorsque le soleil disparut a l'horizon, le vieux sculpteur reprit son corps de chair. Heureux de ressentir le vent sur son visage, l'herbe sous ses pieds nus, il revient en courant dans son village, afin d'embrasser tous ceux qu'il aimait. Mais en revenant au village, tout était de nouveau ruines et statues de pierre. Le vieil homme était condamné sur terre, avec pour seule compagnie, des statues de pierre qu'il pouvait toucher, et des proches qu'il ne pouvait qu'observer. » récit du vieil homme, un soir d'été, en s'adressant à une petite fille.