◇ Anomalie ◇

XXII ◇ J'ai de la chance

◇ Découvrir pour la première fois celui que l'on est. Comprendre enfin ce que l'on ressent. Se trouver beau et attirant malgré ce corps qui nous répugnait. Être décomplexé devant le regard des autres. Fondre devant celui de son amour lorsqu'il aperçoit ce corps nu. Se laisser aller à ses caresses brûlantes et ses baisers passionnés pour s'endormir la peau contre la sienne. Vivre au sein d'une bulle toute cotonneuse, comme un petit nuage.

Plus de cachotteries. Enfin s'accepter et se faire accepter tel que je suis. Presque homme sur le point de devenir mère. Entièrement un être humain sur le point d'avoir un enfant. Simplement un corps sur le point de donner vie.

Peu importe finalement. Juste moi.

Et aujourd'hui, j'ai pris la décision de le crier au monde entier en passant le seuil de notre appartement sans aucun sweat, simplement vêtu d'un tee-shirt un peu trop large.

Kounen à mes côtés, serein, je traverse les rues me séparant du loft de la compagnie en croisant quelques regards qui s'attardent curieusement. Après un baiser, je passe le pas de la porte sans tressaillir. Me dirigeant vers le bureau de la directrice, une petite pointe d'appréhension naît tout de même au creux de ma poitrine.

- Bonjour madame

- Bonjour Kinji, que puis-je faire pour toi de si bon matin ?

Sans vraiment lever les yeux vers moi, elle continue de remplir sa paperasse.

- J'aurais besoin que vous m'accordiez une cession de contrat pour raison de santé

Cette fois, je capte son regard, interrogateur. Mi énervé, mi inquiété.

- Et puis-je savoir pour quelle raison ? Rien de grave j'espère ?

Je dirige mon regard vers mon ventre pour l'inciter à faire de même. Je la vois fixer ses yeux sur cette bosse qui déforme mon haut. Plusieurs minutes s'écoulent avant qu'elle ne fasse enfin le lien.

- Et bien, si c'est pas une surprise mon petit ! On m'avait reporté effectivement que la forme n'était pas au rendez vous en ce moment, mais je pense que personne ne s'attend à cela. Vu sous cet angle, oui, prendre congé est sûrement nécessaire. Mais dis-moi, tout va bien ? Je veux dire, avec tout ça ? Tu n'es pas seul ?

- Tout va pour le mieux, ne vous en faites pas

- Tu m'en vois réjouis ! C'est un au revoir alors ?

- C'est ça oui

- Pas un adieu j'espère ?

- Si vous m'en donnez l'occasion, ce n'est pas un adieu

- Ta place reste au chaud le temps qu'il faut. Tant que tu me reviens aussi talentueux que tu ne l'es déjà

- Cela va de soit !

En quittant son bureau, je me sens tout d'un coup extrêmement bien. Un sourire étirant mes lèvres, la légèreté me prend. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit si... bienveillante ? Espérons qu'elle tienne promesse pour l'avenir.

Dans le couloir près du studio, Maimi m'attend les yeux inquiets.

- Je t'ai vu te diriger vers le bureau de la directrice, tout va bien ?

- Oui ne t'en fais pas. Je venais seulement pour annoncer mon départ

Je vois de la tristesse passée dans ses prunelles mais aucune surprise quand celles-ci effleurent mon ventre. Elle savait déjà.

- Je me doutais bien que ce jour arriverait. J'espère juste pouvoir trouver tes pas à nouveau un de ses jours. Je me sentais en totale symbiose avec toi