Chapitre deux

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Ma vie après cela, reprit son cours normal, le facteur passait, les enfants allaient à l'école puis revenaient. Et moi, j'étais heureuse sans Robert, que dirait-il s'il me voyait ? Cela n'avait aucune importance, il avait mérité son sort, c'était sa faute pas la mienne.

Un matin, il m'était arrivé quelque chose d'assez étrange : je m'étais réveillée en sursaut à l'aube en ayant crû sentir quelque chose me frôler. Je sentis le drap se froisser à côté de moi comme si quelqu'un venait de s'allonger sur le matelas, à l'endroit même où Robert dormait auparavant. Pourtant il n'y avait strictement rien. Affolée, je sautais hors de mon lit et couru à la salle de bain me passer de l'eau fraîche sur le visage.

Quelqu'un était il entré dans mon appartement pendant mon sommeil ? Je repris mes esprits et puis je retournais dans la chambre, tremblante de peur à l'idée de découvrir quelqu'un ou quelque chose. Je fis alors le tour de la pièce, regardais en dessous de chaque meuble et cherchais le moindre indice qui prouverait que quelqu'un était entré dans la pièce.

J'avais par la suite constaté avec soulagement qu'aucun n'objet n'avait bougé, et personne n'était entré. Je fis ma toilette, me coiffais les cheveux, mettais un peu de parfum à la rose que Robert m'avait offert puis m'habillais. Je me vêtis d'une jolie chemise fleurie aux couleurs du printemps, rentrée dans une jupe rose pâle qui m'allait jusqu'aux genoux. Je fermais avec soin les boutons de ma chemise jusqu'au dernier puis je descendis au café et commençait à préparer les pâtisseries et le ragoût pour les clients qui viendraient manger le midi.

La journée se passa comme d'habitude, sans souci. Les clients me racontèrent les nouvelles du village, et une vieille femme que je connaissais bien, me dit qu'elle était enfin grand-mère, la joie se peignait sur son visage.

Enfin bref, une journée habituelle. Malheureusement, le soir, alors que j'étais seule au comptoir à nettoyer les quelques verres des derniers clients, la porte du café s'ouvrît toute seule, laissant un courant d'air glacé se glisser dans la pièce puis se referma, lentement, comme si elle avait tout son temps. Prise de panique, je courus et montai l'escalier quatre à quatre menant à mon appartement, me réfugiai dans la salle de bain, claquai la porte et m'enfermai à double tours.

J'étais confuse, mes pensées s'embrouillaient, se mélangeaient, se dispersaient dans ma tête. Que la porte s'était ouverte, c'était sans doute un coup de vent, mais la manière dont elle s'était refermée m'indiquait que ce n'était pas normal. Pendant quelques secondes rien de se produisit, mais peu de temps après, alors que je faisais ma toilette du soir, j'avais le sentiment étrange d'une présence juste derrière moi, comme si on m'espionnait.

Je me retournais précipitamment et comme je m'y attendais, il n'y avait rien, bien évidemment. Devenais-je folle ? Serais-je sujette à des hallucinations ?

Je rouvrais la porte et tout en restant prudente, me dirigeais vers la cuisine, et pour me calmer, je bu un verre de vin tout en m'installant dans un fauteuil bien moelleux, en face de la bibliothèque, remplie de livres acquis lors de mes nombreux voyages partout dans le monde, certains venaient d'Europe, d'autres des États-Unis, quelques-uns d'Afrique, et d'autres que Robert m'avait acheté, ceux-ci sont partis dans la cheminée après sa mort.

Soudain, je remarquais que l'un des ouvrages que Robert m'avait offert était revenu sur l'étagère, bizarre, je croyais pourtant les avoir tous brûlés. Pourtant, il était là, je le pris en main, il parlait de ce qu'il y avait après la mort, Robert croyait dur comme fer, que notre âme, après que notre enveloppe corporel se soit éteinte, allait dans un autre monde, et continuait sa « vie ».

Étrange. Je pensais vraiment que je devenais folle. Prise d'une soudaine fatigue, je me mettais à somnoler, mes paupières me semblaient lourdes, lorsque tout à coup, un vase se brisa en tombant sur le sol. Bizarrement, je l'entendis à peine, je sombrais déjà dans les bras de Morphée, laissant derrière moi tous les problèmes de ma vie.

Quelques heures plus tard, en me réveillant, je constatais que le vase cassé était celui que mon mari m'avait offert il y a quelques années. Il ne le trouvait pas spécialement beau, d'ailleurs moi non plus. Robert m'avait offert ce vase une fois à la va-vite en dernière minute lors de la saint Valentin, lorsqu'il avait oublié cette fête.

Je nettoyais les débris, en me disant que le vase était certainement tombé d'un déséquilibre, je l'avais sûrement mal posé, mais je pensais que cela avait un lien avec la porte ou encore la sensation déstabilisante d'être épiée, j'allai me recoucher, il était près de minuit et j'étais très fatiguée.

Le souvenir de Robert avait ravivé la colère que je ressentais envers lui, après qu'il m'eut trompé et je n'arrivai pas à me rendormir. J'étais furieuse. Même lorsqu'il était mort, son souvenir me hantait. Il n'avait pas le droit de me torturer ainsi, c'était sa faute, c'était ma dernière pensée claire avant de m'endormir profondément.

Le lendemain, je me réveillais de bonne humeur, malgré les phénomènes anormaux qui s'étaient manifestés la veille. Aujourd'hui, cela faisait une année tout pile que Robert était parti vers un autre monde. Donc, aujourd'hui, j'organisais une cérémonie d'hommage pour Robert, j'allais faire un grand gâteau à la fraise, et dedans, mettre les derniers petits bouts de Robert, à savoir ses doigts, j'allais les réduire en bouillie, j'espérais que leur état ne s'était pas dégradé.

Je m'habillais en écoutant un peu de musique triste, qui me mettait dans l'ambiance de la journée. Je ne devais pas oublier que je jouais le rôle de la veuve désespérée qui pleure encore son mari. J'avais mis en place un thème pour cette journée que les clients devaient respecter, c'était « Printemps », la saison préférée de Robert, en fait c'était plutôt ma saison préférée mais cela n'avait aucun importance tant que les clients y croyaient.

Je descendais lentement l'escalier en bois qui craquait sous chacun de mes pas, et arrivée en bas, je pris un instant pour contempler mon café, avec la mort de Robert, étant donné les circonstances, je recevais des indemnités, pour m'aider à payer le loyer, sur une période de dix ans, dix ans !

J'avais rentabilisé sa mort au maximum, sans compter tous les cadeaux de nos proches et la grosse somme d'argent que les vieux parents de Robert m'avait donné lors de l'enterrement.

Pour cette journée, je pensais mettre des banderoles grises au plafond, et des pots de fleurs aux couleurs fades sur les tables, j'avais déjà acheté tous cela, en prévision de ce jour. J'allais mettre en place, une cagnotte où les clients pourraient mettre quelques pièces, j'écrivais dessus « Pour aider la veuve ». Grâce à l'argent, je pourrai acheter une radio pour le café, ça l'égaillera un peu.

J'allais dans la cuisine et me dirigeais vers le congélateur, l'ouvrit, il était grand, c'était grâce à nos économies que Robert et moi avions pu l'acheter, je me dirigeais vers l'étagère du fond, je commençais déjà à grelotter sous ma chemise qui me paru bien fine, je m'accroupissais et prit la petite boîte noire cachée sous les autres.

Cette boîte, elle contenait les doigts de Robert, je ressentais un peu de nostalgie en pensant à lui, mais non, je ne l'aimais plus, je n'avais d'ailleurs eu aucune relation amoureuse après sa mort, j'en avait marre des hommes, de leur façon à certains de se sentir si supérieur aux femmes, je voulais rester seule et j'y arrivais.

J'ouvris lentement la boîte, retenant mon souffle en partie pour l'odeur qui risquait de s'en dégager mais aussi car cela faisait près d'un an, un an que je n'avais pas ouvert cette boîte.

Je regardais dedans, les doigts avaient été grignotés par les souris, je ne savais pas qu'il y en avait, il faudra que j'appele quelqu'un pour les chasser, bon tant pis, je ferai un gâteau normal, je regardais dans les autres boites, heureusement les souris n'avaient toucher qu'aux doigts. Soudain, un bruit résonna derrière moi.

Je me précipitais alors vers la pièce principale, et arrivée dans le café, je constatais que la cagnotte était tombée, sans doute un courant d'air, mais à côté d'elle, l'étiquette sur laquelle j'avais marquer « Pour aider la veuve », était déchiquetée en milles morceaux.

Quelqu'un ou quelque chose était entré dans le café, je regardais l'étiquette par terre, paralysée de peur. Je me retournais lentement, ayant l'impression d'être observée. Je regardais le couloir, n'en croyant pas mes yeux, j'avais vu une ombre aux jambes squelettiques, s'enfuirent dans le couloir, des jambes tels que Robert en avaient...

Son OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant