Chapitre trois

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Cette fois, j'en étais sûre je l'avais vu ! C'était la nuit dernière, je m'étais endormie à une heure tardive suite au prolongement de la soirée de la cérémonie d'hommage à feu Robert, je m'étais réveillée suite à un cauchemar, dans ce rêve, mon mari me poursuivait avec le couteau que j'avais utilisé pour le tuer, la lame était encore enduite du sang frais de Robert.

Je m'étais réveillée en sueur et j'avais du me pincer à plusieurs reprises pour me persuader que mon rêve était bien terminé. Je m'asseyais lentement sur le bord du lit tentant de reprendre mon souffle, quand soudain je remarquais une étrange lueur d'un jaune pâle qui filtrait entre la porte entrebâillée de la salle de bain.

Bizarre, je croyais pourtant avoir éteint la lampe, j'en étais même sure, l'angoisse s'empara lentement de moi lorsqu'une pensée soudaine me vint à l'esprit : quelqu'un se serait-il introduit chez moi pendant mon sommeil ?

Je me levais et approchais à pas de loup la porte de la salle de bain, le plancher grinçait légèrement sous mon poids tandis que je poussais doucement sans faire aucun bruit la porte, je restait pétrifiée à l'entrée essayant de comprendre ce que mes yeux voyaient : la silhouette vacillante de mon défunt mari en train de se raser la barbe tel qu'il le faisait auparavant.

J'étais muette de stupeur. Des milliers de questions se bousculaient dans mon esprit. Comment cela était-il possible ? Pourquoi était-il revenu ?

La réponse à cette dernière question s'éclaira dans mon esprit : il était venu pour moi, il était venu pour se venger, il était venu pour me tuer. Au doigt de mon mari, brillait la bague de notre mariage, il ne l'avait donc jamais enlevé même dans la mort, ou alors il ne pouvait pas l'enlever comme s'il était lié à moi pour l'éternité, une pensée ironique me vint à l'esprit : c'était bien le but du mariage.

Soudain, le plancher grinça sous mes pieds. La silhouette se retourna lentement et me regarda de ses yeux vides, d'un noir profond, infini. Je me réveillai de ma transe et parti en courant de cette pièce désormais maudite à mes yeux, je dévalai les marches de l'escalier quatre à quatre, me précipitai vers la porte d'entrée du café, l'ouvrit en faisant claquer le battant contre le mur de pierre et m'enfuyais à toutes jambes dans la rue sombre et déserte à cette heure de la nuit, éclairée uniquement par des lampadaires qui diffusaient une lumière d'un jaune pâle digne d'une comédie d'horreur.

J'avais une amie qui habitait dans cette rue, à l'une des extrémités, je tambourinais littéralement sur la porte jusqu'à ce que son mari encore ensommeillé m'ouvrit, quand elle entendit ma voix, sa femme courut à ses côtés, je leur expliquais alors qu'un sois-disant voleur s'était introduit à mon domicile et que je ne voulais pas passer le reste de la nuit seule par crainte qu'il revienne. Ils avaient naturellement accepté que je passe la nuit chez eux.

Je ne leur avais pas raconter la vérité bien sûr, il m'auraient pris pour une folle ce que j'étais peut-être si l'on y réfléchissais bien, étant donné que je venais de voir mon défunt mari se raser la barbe dans ma salle de bain. D'ailleurs étais-je vraiment folle ?

C'était une bonne question qui méritait réflexion. Un fou savait-il qu'il était fou ? Plus tard, je posais la question à différentes personnes de mon entourage, toutes leurs réponses étaient négatives, un fou ne pouvait savoir qu'il était fou.

Mais moi, alors que je tentais vainement de m'endormir sur le canapé inconfortable de mon amie, je songeais vraiment à la possibilité que j'étais en train de perdre la tête, pourtant que je l'avais vu, oui, j'en étais sure, je l'avais vu, et je savais qu'il était revenu pour moi.

Je me réveillais tôt le lendemain, bien que j'eusse passé la nuit à réfléchir aux étranges incidents qui étaient survenus la veille, je laissais une note à mon amie la remerciant de son hospitalité et lui disant que je retournais chez moi.

Je marchais d'un bon pas dans ma rue où les commerçants commençaient à ouvrir leurs boutiques ou à décharger les marchandises destinées à ravitailler leur magasin. J'ouvris la porte de mon café en constatant qu'une bonne âme l'avait refermé.

Je pris soin de laisser les stores clos, et je mis un écriteau à l'entrée disant que j'étais fermé pour la journée en raison d'une maladie. J'étais impatiente d'être ce soir, j'avais un plan, j'allais le tuer, le faire retourner de l'endroit d'où il venait.

Je n'avais absolument pas l'intention de me faire prendre mon foyer et mon entreprise par un quelconque fantôme revenu me hanter, je n'étais même pas effrayée, j'avais acceptée cette vérité aussi étrange qu'elle fut.

Je montais dans ma chambre, pris ma brosse et commençais à démêler laborieusement mes cheveux, je me changeais ensuite.

Le soir venu, je m'agenouillais à côté de mon lit et pris la hache soigneusement dissimulée sous le sommier. Cette hache, Robert me l'avait offert pour un anniversaire me disant qu'elle me serait sûrement utile à l'avenir, il n'imaginait sans doute pas que j'allais m'en servir contre son fantôme.

Il était tard, j'avais passé la journée à m'occuper à faire les tâches ménagères, mais malgré mon acharnement à tenter de m'occuper l'esprit, je n'avais pensé qu'à cette nuit. Je m'asseyais par terre dans la salle de bain, et attendis.

Je n'eue pas à patienter longtemps, vers une heure du matin, une ombre se faufila par la fenêtre que j'avais laissé entrouverte. Il ne me remarqua pas et commença à se diriger à pas tranquilles vers ma chambre, je me levais rapidement et comptant sur l'effet de surprise qu'allait engendrer mon apparition, j'abattis la hache légère comme une plume dans le dos de la silhouette.

Celle-ci s'effondra contre toute attente et commença à se désagréger lentement sur le carrelage froid de la pièce.

J'étais contente, légèrement boulversé, mais contente, contente d'avoir réussi à me débarrasser de l'ombre, mais était-elle vraiment partie ? J'en étais presque sure. Néanmoins, je regardais partout autour de moi lorsque je regagnais mon lit prête pour une longue nuit de sommeil.

Son OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant