Chapitre 3

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On était samedi. Mais pas simplement samedi. On était CE samedi. Le samedi où on se voyait vraiment pour la première fois.

Je me préparai exactement comme la veille, c'est-à-dire très bien. J'hésitai à acheter une rose mais je finis par me dire qu'il ne fallait pas trop en faire pour la première fois. Je ne voulais pas qu'elle se sente forcée.

J'étais tout fébrile quand j'arrivai au parc à 14h59 précises.

Je me souviendrai toujours de son arrivée. Comme d'habitude, elle marchait posément avec sa grâce caractéristique. Elle portait ses Converses customisées, un pantalon marron fluide et une veste en jean délavé. J'avais l'impression qu'elle brillait, elle était comme mon rayon de soleil.

Elle s'avança vers moi sans oser dire quoi que ce soit. Moi aussi j'avais peur de parler, tellement je redoutais de briser la simplicité de l'instant présent.

« Je connais un endroit magnifique où on pourrait se rendre... »

A peine eus-je prononcé la moitié de ma phrase qu'elle me répondit du tac au tac :

« En route alors ! »

Le coin de mes lèvres se souleva et elle me rendit un grand sourire.

« Au fait, je m'appelle Austin.

- Enchantée, moi c'est Lise mais il me semble que tu le sais déjà, s'esclaffa-t-elle en faisant un clin d'œil.»

On se mit en chemin. Je voulais l'emmener dans un champ de lavande un peu à l'extérieur de la ville. Il appartenait à ma famille depuis plusieurs générations. Au cœur du champ, on avait fait construire une petite cabane en bois pour venir s'y ressourcer. Cela faisait longtemps qu'on n'y était plus allés faute de temps et je pensai que c'était le moment idéal d'y retourner.

Au cours du trajet, je tentai de saisir sa main. Elle n'émit aucune résistance et serra ma main dans la sienne. Elle débordait de joie et ça suffisait à me rendre joyeux. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine. On aurait dit qu'on se connaissait depuis toujours.

Lorsque nous fûmes arrivés à destination, je vis les yeux de Lise s'écarquiller.

« Waouh, c'est magnifique, souffla-t-elle d'admiration.

- Tu n'étais jamais venue ici ? »

Elle secoua la tête en guise de réponse.

On passa l'après-midi à marcher entre les allées parfumées de lavande. La couleur mauve s'étendait à perte de vue sous le soleil doré du mois de juillet. Par moment, on restait silencieux, contemplatifs, et par d'autres, on discutait de tout et de rien. Avec une autre personne, j'aurai trouvé ça ennuyeux mais avec toi, c'était différent : le banal devenait extraordinaire.

La nuit commença à tomber et j'emmenai Lise vers la cabane. Cette dernière était entourée d'amarantes que ma grand-mère avait fait grimper sur des pergolas. Cela donnait l'impression d'avoir un toit de fleurs pourpre sur tout le pourtour de la cabane.

« Je crois que c'est l'endroit le plus beau que j'ai vu de toute ma vie, murmura-t-elle les yeux brillants. Et ces amarantes sont si belles ! »

Elle cueillit délicatement une fleur et l'observa longuement. Je pris la fleur dans ses doigts pour la mettre dans ses cheveux. Elle laissa échapper un rire cristallin et un blanc s'installa. On se regarda de longues secondes. Ses yeux paraissaient scintiller comme les milliers d'étoiles au dessus de nos têtes. Je me rapprochai lentement d'elle et lui effleurai la joue. Je remis une de ses mèches de cheveux derrière son oreille. Elle me souriait toujours avec authenticité et bonheur ce qui me comblait, moi aussi, de bonheur.

Un été sous les amarantesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant