CHAPITRE 24

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Une fois que mes converses se posent sur l'herbe humide devant le perron, je soupire en rejetant la tête vers l'arrière, si Elone a pu convaincre mes parents d'aller au Brésil à peine quelques jours, mes craintes pour la contrepartie de ce deal ne font que s'agrandir. La porte claque brusquement alors que mes yeux cherchent des silhouettes plutôt grandes, mon téléphone à la main, j'entre avec précipitation dans la cuisine.

— Maman ?

Son tablier blanc accroché à sa taille, elle se retourne en sursautant et pose une main sur sa poitrine, ses cheveux attachés en un chignon sont remplies de farine.

— Ne fais plus jamais ça, Emire. Comment étaient les qualifications ? reprend-elle normalement.

Je hausse les épaules en m'appuyant contre le comptoir de la cuisine malgré ses plaintes, mes doigts triturent le panier de pomme mis à sa disposition.

— Dallas a fini troisième.

Une légère grimace sur son visage me confirme également l'état déplorable dans lequel Dallas doit se trouver actuellement.

— Pauvre champion.

Tandis qu'elle coupe un quart du fruit entre ses mains, je mordis nerveusement ma lèvre inférieure.

— Elone est passée ?

Reposant son couteau sur la planche à découper, son nez se plisse lentement jusqu'à ce que ses mains se lient entre elles, ce geste n'est jamais bon signe. Ryver Sosthène est le seul parent à me faire peur dans cette famille, mais ma mère est d'autant plus effrayante.

— Tu veux dire pour cette demande d'aller au Brésil d'ici deux jours ?

Sa voix froide me fait frissonner, mais pas de plaisir cette fois-ci, dès que la silhouette de mon père rejoint la cuisine, je me fige soudainement.

— Assis-toi, Emire.

Suite à cet ordre, je me retrouve rapidement sur la grande chaise face à mes deux parents qui se regardent brièvement.

— Nous sommes d'accord pour te laisser partir quelques jours avec Elone et sa tante, mais uniquement si tu nous fais une promesse.

Suspicieux de leur prochaine demande, je me renfrogne sur moi-même avant de retenir mon souffle. Ma mère tapote ses doigts sur le comptoir et finit par avouer.

— Donne-lui Ryver.

Je fronce les sourcils quand elle s'adresse à mon père, ce dernier fouille dans sa poche et pose délicatement sur la table une boîte entière de protection, des putain de préservatifs sur la table de cuisine. Mes yeux s'écarquillent à cette vue.

— C'est le moment où vous me faites tout un discours sur le fait de ne pas rentrer enceinte, parce que j'imagine que ça sera légèrement compliqué de revenir avec un gosse.

Le vocabulaire de Dallas commence sérieusement à déteindre sur moi, ça en devient presque horrifiant. Mon père esquisse un rictus alors que ma mère roule des yeux.

— Aucun souci de ce côté-là ne t'en fait pas, j'aimerais juste que tu prennes tes précautions d'accord ? Nous avons bien remarqué la relation que tu entretiens avec Elone, et tu..

Subitement, je pose ma main droite sur ses lèvres pour qu'elle arrête de déblatérer sur ma potentielle relation avec le brésilien. Je me retiens de lui dire que nous avons déjà couché ensemble, cette information ne servirait qu'à l'inquiéter encore plus. 

— Emire, tu es gay et amoureux ce n'est pas un crime, prends juste cette boîte et n'en parlons plus. reprend mon père.

Ils ne vont pas me lâcher jusqu'à mon départ. Avec nervosité, je glisse mes doigts sur la boîte avant de la ranger très rapidement sous mon t-shirt. Une fois dans ma chambre, j'ouvre ma valise pour y insérer les préservatifs et de glisser plusieurs vêtements. Alors que je m'apprêtais à prendre mon maillot, la sonnerie de mon téléphone me fait sursauter pendant que je mets le haut-parleur.

— Tu n'appelles jamais, Kelly.

À travers le combiné, je sens qu'elle soupire et qu'inconsciemment elle se retient de poser une question, pourtant quelques secondes après, le silence est rompu par une voix rauque.

— Dis-lui.

Quand je reconnais la voix de Paolo, mon nez se plisse légèrement jusqu'à ce que mon cerveau ne réfléchisse plus comme avant. Il ne l'a toujours pas déposé chez elle.

— Kelly ?

— Je sors avec Paolo depuis trois mois.

Après cette phrase, la brune semble soulagée au point de souffler lentement pour reprendre sa respiration.

— Oh.. d'accord.

Une fois que la conversation fut terminée après une quinzaine de minutes, je raccroche sans tarder en tentant de fermer ma valise malgré les dizaines de haut qui dépasse. Si Kelly est heureuse avec le coéquipier de Dallas, j'imagine que je suis heureux pour elle.

Mes jambes repliées près de mon torse, j'analyse avec lenteur ma chambre, mes doigts agrippent le carnet sous mon lit afin de l'ouvrir avec précaution. Les photos de Griffin et du groupe de surf apparaissent à travers chaque page. Dire que Griffin ne me manque pas serait mentir, mais je ne peux pas non plus blâmer sa mort, personne ne savait qu'autant de requins avait infesté San Diego, ni la Jolla Cove, même si ce n'était pas normal. Son corps n'a pas été retrouvé, et c'est sûrement ce qui me fait le plus mal.

— Emi, ta valise est prête ?

Relevant brusquement la tête, je replie le carnet avant de croiser le regard de mon père.

— Oui.

Une main dans ses cheveux bouclés, il avance lentement jusqu'à ce que ses pieds frôlent le rebord de mon lit pour s'y asseoir.

— La compétition approche bientôt.

Il tente de cacher le tremblement dans sa voix et ses yeux fuyants prouvent que cette discussion lui fait encore plus peur que les précédentes.

— Je sais, papa.

— Emire si tu as des doutes.. ne te force pas.

S'il y a bien une vérité dans la famille Sosthène, malgré l'argent et le bonheur que laisse entrevoir ce nom, c'est la proximité entre mon père et moi, je n'ai jamais été rien de plus qu'Emire pour lui, et il a toujours été une partie peu présente de mon enfance. Alors quand ses bras s'enroulent autour de mes épaules et que son menton se cale dans ma nuque, je me fige.

— Tout va bien se passer.

Son odeur s'évapore autour de la pièce, mes bras se resserrent derrière son dos pour éviter qu'il parte.

— Profite du Brésil.

Je hoche la tête avant de relâcher ma prise autour de ses hanches afin qu'il puisse rejoindre la cuisine sans un mot, une fois que la porte claque, je referme ma valise et m'adosse sur le lit en fermant les yeux, cet été avait commencé mal, vraiment mal, pourtant maintenant, j'ai l'impression qu'il ne peut que se terminer bien.

TSOS. Leafde, Estella.

The Shade Of SosthèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant