19 - J'ai besoin de temps

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J'ai deux heures de pause dans mon horaire, je me dirige donc vers la bibliothèque, car je n'ai pas envie de rentrer chez moi. Je sais que je ne travaillerai pas, mais je penserais à lui et à la conversation que j'avais eue la veille avec ma mère.

Je vois une table libre et c'est avec un sourire que je m'installe. Je sors mes cours et commence les exercices de gestion, car on va bientôt avoir un test sur la matière.

- Ça fait longtemps que tu n'as plus embêté la bizarroïde, Nat.

Mon sourire s'efface.

- Oui et alors ? L'entendis-je répondre.

- Si tu ne le fais pas, je vais le faire. J'ai envie de m'amuser et ce cours est merdique.

À ces mots, un bout de papier atterrit par terre, proche de ma table.

- Raté. Dis-je sans relever la tête.

- Le prochain je t'aurais, ne t'inquiètes pas, la moche.

J'entends une feuille se froisser, puis : « Héé !?! ».

- Il n'y a que moi qui peux emmerder Poupée.

Il a interrompu son geste.

- Vas-y alors, j'ai besoin de distraction.

- Non, on travaille.

- Ça ne t'arrêtait pas avant. Observais-je agressivement.

Apparemment, je n'ai pas perdu mon habitude à le rembarrer, on se dispute et chamaille tellement que c'est devenu facile. Je regrette immédiatement d'avoir dit ça, car je sais qu'il a des difficultés en ce moment. Un silence me répond. Je continue à bosser, ne faisant pas attention aux jeunes qui nous entouraient, je voulais vraiment réussir cet examen.

- Je pensais qu'on travaillait ? Questionne la bimbo.

Personne ne réagit.

- Nat ?

- Nathan ?

- QUOI ??? Gueule-t-il.

- Tu... tu vas bien ?

Je redresse la tête comme tout le monde autour de nous. Ils étaient en face de moi. Je vois son poing gauche serré sous la table, son autre main agrippe un Bic qui ne tardera pas à se briser. Il regarde son cahier avec les yeux noirs.

- Ouais, magnifique. Je me sens à merveille.

Je baisse la tête. Je sais pourquoi il est comme ça, c'est ma faute. Je n'aurais jamais cru que ça lui faisait mal à ce point. Mais je n'y fais pas attention maintenant, je le ferais plus tard. Il faut que je me concentre sur mon cours. Il se passe plusieurs minutes.

- Putain ! Arrête de faire semblant, Vic ! Arrête de faire comme si de rien n'était, alors que ce n'est pas vrai.

Pour la deuxième fois, je l'examine. Il est debout, il a fait valser sa chaise derrière lui. On s'observe, lui d'un regard meurtrier, moi étonnée et mal à l'aise.

- Arrête de te mentir à toi même et assume tes sentiments pour moi. Cria-t-il.

Je veux lui dire que c'est difficile pour moi. J'aimerais lui dire ce que maman m'a conseillé. Mais les mots ne suffisent pas à exprimer mes sentiments. Je jette un coup d'œil autour de nous, tous ont les yeux rivés sur nous, silencieux et stupéfaits.

- Nathan... murmurais-je

- Ouais, ça vous pose un problème ? Dis le jeune furieux. Je suis tombé amoureux de l'impopulaire, la moche, la bizarroïde. Et elle ressent les mêmes émotions, mais elle est trop conne pour...

- Ça suffit ! Stop ! Criais-je à mon tour.

Je m'étais levé sans m'en rendre compte sur le coup de la colère.

- Pas ici. Repris-je plus doucement.

Il se déplace et se dirige vers la porte sans prendre ses affaires puis se retourne vers moi.

- Viens dehors alors.

Je ne bouge pas, je suis figée.

- Tout de suite !

Je sursaute, ça me fait comme un électro-choque, je le suis en abandonnant à mon tour mes affaires.

Il marche rapidement, toujours énervé. Il est à une bonne dizaine de mètres devant moi. Une fois à l'extérieur, il s'arrête. Le froid hivernal me fait frissonner, je regrette d'avoir laissé ma veste, mais au moins ça le calme. On reste silencieux le temps que la fureur de Nathan se baisse. Il se masse les tempes et ferme les yeux.

- Ne me refais plus ça, Vic. Ne m'ignore pas. J'ai vraiment besoin de toi. J'ai l'impression que tu ne t'en rends même pas compte. Ou alors, tu feins l'indifférence. Mais je ne comprends pas pourquoi. Je suis persuadé que toi aussi tu es attaché à moi. Tu ne jouerais pas avec moi... Cet après-midi-là, j'ai vraiment cru que... que ça allait.

- Je ne fais pas semblant. Je ne me mens pas à moi même. Et je ne joue pas avec toi.

Il redresse la tête.

- Tu as une drôle de manière de ne pas le faire. Réplique-t-il. Je sais plus comment faire pour que tu m'accordes ta confiance.

- Nathan, j'ai peur. Murmurais-je.

- De quoi ?

- J'ai besoin de temps.

- Combien ?

- Je ne sais pas.

- Putain ! Combien ? S'emporte-t-il encore. Je ne serais pas là éternellement, Vic.

Je baisse la tête.

- Je sais. Mais je ne suis pas prête pour une relation. Chuchotais-je.

Délicatement, je sens sa main sur mon menton et le fait se redresser, il veut que je le regarde, mais je n'ose pas.

- Et pour une amitié ? Une vraie cette fois et pas le temps d'un après-midi. Tu peux me faire confiance.

- J'ai confiance. Malgré un début difficile entre nous, j'ai fini par t'apprécier. Je ne serais jamais venu au bal si ça n'avait pas été le cas.

- C'est quoi le problème alors ?

- Mon passé. Dis-je simplement en continuant à plonger mes yeux bleus dans les siens tout aussi bleus.

Il ne fait aucun commentaire puis écarte les bras, m'invitant à y aller. Avec le sourire, je me perds dans sa chaleur. Je n'ai rien contre quand c'est moi qui le décide.

- Ma poupée... Ma si fragile petite poupée. Murmure-t-il contre mes cheveux. Ce n'est pas pour rien que je t'ai donné ce surnom. Je savais que tu étais brisée, mais pas à ce point.

Âmes briséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant