Je n'allais pas tant que cela avant la mort de Kay, dans la salle des réunions. L'air solennel et formel me dérangeait toujours autant. Cette salle se trouvait au coeur du palais, et avait été, hormis les appartements impérieux, une des salles les plus coûteuses du palais. J'appréciais tout particulièrement les voutes somptueuses et l'excellente lumière naturelle. Le blanc nacré, couleur symbolique de cette salle, me déprimait, bien qu'elle soit signe de richesse. Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais détruit cette pièce pour en faire un énorme jardin privé et couvert. Sur une estrade surélevée se trouvaient quatre trônes, ceux du couple impérial, le mien, et celui du prince héritier, je devais dorénavant m'asseoir sur ce dernier. Je détestais ces fichus réunions.
Devant l'estrade, il y avait des chaises, parfaitement alignées. Plus le conseiller était proche du trône, plus il était considéré par la famille impériale. Comment pouvaient-ils se livrer à une telle mascarade ?
Lorsque j'entrai, Javal, l'assistant du conseiller impérial attitré de l'empereur, fît dérouler le tableau de suivi, ce qui assombrit la pièce car une grosse partie de celui-ci couvrait les fenêtres.
- Votre Altesse, nous sommes ravis de pouvoir vous conseiller et vous orienter afin de maintenir le bon vivre au sein de l'empire de Merssia !
Cette phrase débile, était pourtant une des fameuses règles de l'assemblée. Ne pas la dire pourrait faire perdre à un conseiller sa place, pire encore, cela pourrait être vu comme une trahison. Je n'y ai jamais répondu.
Je pris place.
L'ordre de parole allait de gauche à droite en partant du rang numéro un. Javal lançait un des sujets qu'un des conseillers voulait aborder et ils commençaient.
Le problème était que, si l'empereur décidait que le numéro trois de la première rangée avait trouvé une solution à son problème, il pouvait changer le sujet, même si c'était un conseiller financier qui trouvait une solution à un problème stratégique. Je prenais un malin plaisir à faire passer tous les conseillers, de la rangée un à la rangée cinq, du numéro un au numéro dix. Je perdais énormément de temps, mais en contrepartie, les conseillers passaient leur tour, au lieu de chercher à s'attirer les grâces de l'empereur, comme avec mon père, et aussi, ils ne me convoquaient qu'en cas d'urgence absolue. Et surtout, les sujets à aborder n'étaient pas nombreux.
- Votre Altesse, il n'y a qu'un seul sujet à aborder aujourd'hui.
- Poursuivez, Javal.
- Le bal qui a lieu dans deux semaines. Les conseillers souhaitent entendre vos projets et vous orienter à l'aide de leurs sagesse infinie.
Encore une phrase débile que les assistants devaient répéter.
- Je répondrais à chacune de leurs questions, et je ferais un bilan avec des réponses à la fin. Si j'ai la possibilité de vous répondre instantanément, je me permettrais de ne pas inclure les réponses à vos demandes dans le bilan final.
Je perçus des soufflements venants de derrière. Mais je n'y tins pas rigueur.
Le conseiller numéro un de la rangée un, Loris Marten, le conseiller personnel attitré de père.
- Tout d'abord, je vous salue, votre altesse.
Il se leva de sa chaise pour m'adresser une courbette. Je grinçai des dents, il m'avait piégé, vu son titre, tous allaient l'imiter, et donc, j'allais devoir supporter cinquante salutations, et cinquante courbettes.
- Vous me faites bien trop d'honneur, Conseiller Impérial Marten, dis-je avec un faux sourire.
- J'aimerais connaître le coût de votre bal.
- Je pense y débourser un maximum de deux millions deux cent mille merss.
- Seulement ! s'affola Loris.
- Sa majesté l'empereur a organisé un anniversaire il y a quelques années, encore moins coûteux. Insultez-vous donc ce que ce dernier a pu créer avec tant d'argent ? Ne connaissez-vous pas la valeur de l'argent ?
- Non... Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, votre altesse, bégaya t-il, mais tout de même, votre premier bal devrait faire un minimum de cinq millions de merss, d'après moi.
- Conseiller Impérial Marten, j'ai quarante-neuf questions à écouter, je m'assurerais de répondre à vos inquiétudes après coup.
Il serra discrètement son poing.
Le deuxième conseiller du rang numéro un, Grégory Blass, le conseiller attitré de l'impératrice, était bien plus avenant. Je le préférais.
Malgré son rang, il me salua de la même manière que le conseiller Marten.
- Ma question peut paraître sotte, mais avec un tel budget, que comptez-vous offrir à nos invités ? Ils seront en grand nombre, et certains d'entre eux ont de hautes exigences, il faut veiller à ne pas les insulter...
- Si cela peut vous rassurer, Conseiller Impérial Blass, j'allouerai une somme spéciale pour les cadeaux. Vous êtes d'une sagesse évidente, nous sommes heureux de vous compter parmi nous. De plus, cela pourrait satisfaire le conseiller Impérial Marten. Merci !
Même si je le pensais, je louais la sagesse du Conseiller Blass pour énerver le Conseiller Marten. Évidemment, j'espérais aussi lui avoir fait comprendre que je ne reviendrais pas sur sa question. Je lui jetai un rapide coup d'oeil, cette fois ses deux poings étaient fermés, il regardait ses genoux, je voyais surtout un homme se contenir, même si mon père l'apprécie, c'est lui même qui a instauré cette règle du silence durant les tours des conseillers.
Le conseiller numéro huit de la rangée numéro un me demanda si j'avais une idée d'un menu en tête, le numéro quatre de la rangée deux, lui s'intéressait au thème du bal. Après la troisième rangée, les questions devenaient lassantes, il leur fallait plus de cran pour avancer dans les sièges, c'était clair.
- Votre Altesse, j'aimerais savoir ce que vous allez porter, avec vos cheveux noir. Comme l'a dit le Conseiller Impérial Blass, veillons à ne pas paraître trop froids, ne voulez-vous pas porter du vif, plutôt que du foncé ?
Je ne sais comment, le silence devint encore plus muet. Je me levai, afin de voir qui m'avait parlé. Le numéro quarante-neuf de la cinquième rangée, c'est à dire, l'avant-dernier Conseiller Impérial. Aucune salutation, pourtant, il me souriait encore. Il devait être à peine plus âgé que moi, et c'était un ravissant blondinet aux yeux verts. Ses lèvres étaient d'un rose pâle naturel, il possédait une gueule d'ange.
- Conseiller Impérial numéro quarante-neuf de la cinquième rangée, quel est ton nom ?
- Je suis Erion Vaudembert, ne vous déplacez surtout pas, votre Altesse, bientôt, je serais plus près !
Je crus, pendant une fraction de seconde, voir son regard s'assombrir, mais voir le corps tremblant du Conseiller Marten m'excitait plus qu'autre chose. Erion, compte sur moi pour te faire avancer.
- Conseiller Impérial Vaudembert, vous avez totalement raison. Quelle couleur m'irait, à votre avis ?
- Vos yeux saphirs sont la beauté de cet empire, il se gratta la tête en rigolant de gêne, je ne suis pas très bon conseiller de mode, mais essayez de les mettre en valeur. Sinon, si je puis me permettre, je vous ai vu, un jour, dans une robe d'un rouge mat, vous étiez fabuleuse.
Je lui accorda un sourire bienveillant, même si, en effet, ces conseils de mode étaient approximatifs.
Il ne respectait rien du protocole, je pensais que le Conseiller Marten réussirait à se tenir, face à son imprudence, mais je l'avais surestimé.
- Votre altesse, je m'excuse au nom de tous les conseillers, et tous les faiseurs de conseillers. Ce jeune homme ne mérite p...
- Que dites-vous, Conseiller Impérial Marten ? Le Conseiller Impérial Vaudembert apporte un vent de fraîcheur à cette pièce, puis, je ne l'ai pas trouvé insolent, il a juste complimenté ma beauté, vous pensez qu'il m'offense ?
- Mais tout de même...
Tu n'as que faire, de son imprudence, ça t'arrangerais même, que ça m'énerve. Tu aurais aimé que je le congédie, que je le fasse exécuter, comme mon père l'aurait fait. Mais puisque je ne fais rien de cela, ça t'énerves.
- Sans vouloir vous offenser, vraiment, Conseiller Impérial Marten, c'est vous que je trouve imprudent. Le Conseiller Impérial Vaudembert a sagement attendu son tour malgré son rang uniquement pour cette demande. De plus il n'a pas réagi quand vous alliez insulter son mérite, je pris une petite moue, mais vraiment, je ne veux vous donner aucune leçon ! Vous faites tellement un bon travail !
Je haïssais cet homme, il n'avait rien fais pour stopper la folie tyrannique de mon père, et l'avait même engendré en lui soufflant de mauvaises choses. Et si tu es indirectement lié à la folie de père, tu es lié à la fureur du peuple, et donc, à la mort de Kay. Je vois enfin un moyen de t'éradiquer, Loris.
Le Conseiller se calma, ou du moins, fit semblant, et la réunion se termina sur un bilan qui convenait à chaque conseiller.
Une fois de retour dans mes appartements, Eva m'y attendait.
- Alors, cette réunion ?
- Follement intéressante.
Elle s'approcha de moi et me secoua.
- Qu'est-ce que tu viens de dire ? On t'as menacée ? S'inquiéta Eva.
- Encore mieux, j'ai trouvé un moyen de grandement embêter Loris Marten.
- Oh, vraiment ? Elle me lâcha enfin.
Je m'écroulai sur mon lit.
- Envoie une lettre au Conseiller Impérial Erion Vaudembert, je souhaite le voir demain, dans l'après-midi.
- Très bien.Personne ne me prend au sérieux, et tout le monde préférerait me voir morte. Alors, si je suis la prochaine à mourir, je te vengerais, Kay.
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La prochaine à mourir
Fiksi SejarahLes révoltes dans l'empire de Merssia sont parfois violentes. Malgré son caractère différent de celui de son père l'empereur, l'héritier Kay Winford devint la victime du peuple. Mais pour Mélya Winford, sa sœur, il n'y a pas le temps de faire son de...