5. Les superstitions de Roger

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Roger Doofenshmirtz n'avait jamais aimé son grand-frère Heinz et d'aussi loin qu'il se souvienne, il s'était toujours arrangé pour faire de sa vie un enfer. Ses plus grandes victoires étaient dans les plus petits détails : chiper discrètement ses clefs pour l'obliger à passer sa nuit sur le pallier ou découper aux ciseaux ses vêtements pour les remplacer par les robes de leur cousine Vanessa (qu'elle ne mettrait jamais elle-même, admirez l'ironie) ou encore dérégler la sonnerie de son réveil pour le secouer en plein milieu de la nuit... véritable jackpot cette dernière ruse car son frère aîné en avait été tellement chamboulé qu'il avait oublié de le reconfigurer ce qui lui avait fait manquer une matinée de cours !

Bien qu'il détestait chaque instant à devoir supporter l'existence d'Heinz Doofenshmirtz, Roger avait plutôt mal vécu leur séparation, l'année précédente quand son frère était passé au collège en le laissant seul à l'école primaire. Il n'avait jamais eu l'occasion d'apprécier leur promiscuité qui lui permettait d'assouvir sans trop d'effort la moindre idée perverse. Sans doute était-ce la raison qui l'avait poussé à redoubler d'efforts pour le harceler dès qu'ils rentraient des cours ? Ou alors... ou alors, peut-être que Roger était juste un connard. En tout cas, plus les années passaient et plus leurs rapports empiraient. Au point qu'il était ravi de le rejoindre cette année. Sa 6ème s'annonçait bien... très bien, même.

"TROIS TOURS DE TERRAINS !!!"

Pendant que le coach Mitchell criait sur les retardataires qui traînaient des pieds sur la piste de course, Roger arriva le premier sur la ligne d'arrivée... en plus d'être très bon dans tous les jeux de balles, il était aussi très fort et particulièrement rapide. Pour résumer sa situation, son frère était aussi nul que lui était formidable et il n'était ni le seul à le penser ni le seul à l'affirmer. C'était forcément vrai.

"Doofenshmirtz !!!"

"Oui, coach ?" dit-il d'une voix traînante pendant qu'il faisait des étirements sur le côté.

"Je sélectionne les joueurs des Geckos, samedi matin... d'habitude, je m'intéresse pas aux petits 6ème de ton genre parce que... bah, vos jambes sont minuscules, quoi. N'êtes pas des graines de gagnants." expliqua-t-il de sa voix bourrue. "Toi, c'est différent. T'es l'un de mes meilleurs élèves, j'aimerai faire une exception. Tente ta chance, on verra bien, hein ?"

"Je serai dans l'équipe." affirma-t-il. "Puis-je faire un dernier tour ou bien rejoindre les vestiaires avant les autres ? Mes camarades sont si lents..."

"C'est ça que je veux dans mon équipe, c'est super ! T'as un esprit de vainqueur... bravo."

Bien que Roger ait hérité des dents grinçantes de ses deux parents (ça aurait été dur d'y échapper), il savait relever son menton carré pour afficher le plus beau sourire que sa génétique n'aurait pu lui accorder... avec un léger mouvement de tête, il laissa ses cheveux flotter au vent et se vit accorder ses réclamations : un nouveau tour pour impressionner le coach avant les sélections puis il pourrait quitter son cours d'éducation physique avant les autres pour être le premier arrivé au self. Il voulait faire un détour par les laboratoires de chimie pour observer Heinz... il l'avait laissé en paix pendant plusieurs semaines pour avoir le temps de se faire bien voir par ses professeurs, manquerait plus qu'il soit réprimandé. Il avait le droit d'embêter son frère, tout de même parce que c'était... vous savez, SON frère, il avait tous les droits et ça n'était pas un règlement scolaire qui allait l'arrêter.

Il attendit ses deux meilleurs amis, Hans qui avait les mains les plus grosses qui lui ait été donné de voir (idéal pour maintenir la tête d'Heinz à l'intérieur des cuvettes) et Boris qui avait la fâcheuse tendance à envoyer du sable ou de la terre ou des petits cailloux voler un peu partout dès qu'il shootait... ce qui arrivait plus souvent qu'on pourrait l'imaginer parfois même pendant les cours. A eux trois, ils formaient l'élite de l'équipe de football bien que le talent de ses acolytes n'ait pas encore été remarqué mais Roger savait qu'il était largement supérieur à tout ce qui était à peu près vivant sur cette planète, c'était normal qu'il rejoigne l'équipe avant eux.

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