Chapitre 12

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« On devrait toujours être légèrement improbable »

- Oscar WILDE

    À dix heures tapantes, Arsène tapait à la porte de mon appartement. J'avais enfilé un baggy jean bleu clair et une chemise ample au-dessus de mon débardeur blanc, après avoir réfléchi toute la nuit à la pertinence de cette journée. Mais Arsène avait raison, nous avions besoin de mieux nous connaitre pour mieux jouer nos rôles. Et une partie de moi se réjouissait à l'idée de passer du temps avec lui, probablement la plus naïve et stupide de mon esprit.

- Salut, dis-je en ouvrant la porte.

    Une fois de plus, la profondeur de ses iris miel me fit flancher. Qu'il me fuit du regard m'agaçait, mais lorsqu'il osait enfin me regarder, je menaçais de perdre pied.

- Tu n'as pas annulé, nota-t-il, un sourire dans la voix.

    Il avait l'air... léger et ouvert ? Je côtoyai plus souvent la statue de marbre, imperméable aux autres et d'une répugnante méprise à mon égard.

- Ce n'est pas l'envie qui a manqué, le narguai-je en fermant la porte à clé. Je ne vois pas bien ce que je vais faire avec quelqu'un qui m'adresse à peine la parole à l'école, toute la journée. Je le fais pour l'amour de la danse.

- Je t'ai adressé la parole, pas plus tard qu'hier, rétorqua-t-il d'une voix plate, parfaitement impassible à ma pique.

    Je passais devant lui dans les escaliers de l'immeuble, prenant une grande inspiration pour ne pas le rembarrer immédiatement. Qu'est-ce que je lui trouve ? Qu'est-ce qui me pousse constamment à le chercher des yeux dans toutes les pièces où je suis depuis tant d'années ?

- Je vois. Je ne compte pas te tirer les verres du nez, ce n'est pas mon truc.

    Et il se garderait bien de tout me servir sur un plateau. Je devais toujours sortir les rames avec lui, ça en devenait désespérant. Le silence qui s'installa entre nous lorsqu'on s'engagea dans la rue bruyante annonçait la couleur.

- Où va-t-on ? Demandai-je.

    Un cycliste manqua de se faire renverser au bout de la rue, mais il repartit indemne après s'être fait huer par l'automobiliste. Cet échange fit écho à toutes mes interactions avec Arsène.

- Au théâtre.

- Quelle pièce ?

- Si je te dis tout, tout de suite, alors il n'y aucun intérêt à ce qu'on y aille.

    Ce garçon me torturait. Il contrait tout ce que je disais avec une efficacité incroyable.

- Noah m'a dit que vous vous étiez disputés, lâcha-t-il au bout d'un moment. Je ne devrais probablement pas m'en mêler, mais ne t'en ais-tu pas pris à lui pour des choses qui ne le concernaient pas ?

    J'aurais pu le transpercer avec des pics, de quel droit pensait-il pouvoir remettre en question ce que je vivais depuis cinq ans ?

- Si tu te ranges de son côté, n'espère même pas avoir ma coopération aujourd'hui. Je n'ai dit que la stricte vérité. Et ce n'est pas comme si nous étions amis, Noah s'en remettra.

- Je pense qu'il t'aime bien, dit-il prudemment, comme s'il marchait sur des oeufs.

    Des ombres glissaient sur le teint bronzé de sa peau.

- Et alors ? Arsène, tu as l'air à des années lumières de ce qu'il se passe réellement à l'école. Je subis les moqueries et les rumeurs grossières de l'ensemble de la promo depuis la fin de notre première année, tu penses sérieusement que Noah n'a jamais fait partie de ces personnes ?

l'Opéra : le lac des cygnes (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant