Chapitre 5 [As-tu conscience de mon existence ?]

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Lua avait la tête qui bourdonnait. Elle ne comprenait plus rien à sa situation. Elle s'était endormie pour retourner dans le rêve du miroir et avait mis sans s'en apercevoir le pied dans un engrenage infernal. Sitôt réveillée de son songe, Melwire s'était éclipsée sans lui donner la moindre information, se contentant d'un :

— Reviens demain.

Le lendemain, elle avait eu la surprise de trouver Melwire et ses trois commandants dans le petit cabinet, prêts à s'assoupir.

— Nous t'attendions, Lullaby, avait lâché Créon avec son éternelle mauvaise humeur. Dors, nous te rejoignons.

Elle s'était exécutée et était arrivée, presque par miracle, au Néon. Le masque joyeux avait bondi pour l'attaquer, mais le masque triste l'en avait empêché. Mélodie et Liktor manquaient à l'appel.

Quand les trois commandants et Melwire étaient apparus, un silence tendu avait régné jusqu'au retour des absents.

Désormais seule devant son plateau-repas, Lua se massait douloureusement les tempes. Rien ne chassait l'entêtante migraine qui la hantait depuis une bonne heure. Elle ne comprenait rien ; trop de clefs lui échappaient. Melwire et ses commandants étaient avares en explications. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle était devenue la pièce maîtresse d'un édifice qui l'écrasait, le pantin de marionnettistes plus ou moins hostiles. Et elle n'avait aucun recours pour s'en sortir.

Malgré tout, elle était curieuse de connaître ces quatre inconnus. Ses retrouvailles avec Liktor, en particulier, lui avaient réchauffé le cœur.

— Je peux ?

Livia.

— Bien sûr.

Elles mangèrent de concert, chacune perdue dans ses pensées. Lua lâcha à haute voix :

— Qui es-tu ?

— Toi, qui es-tu ?

Lua ne répondit pas. Ses récentes discussions avec Melwire avaient insinué un doute dans son esprit.

— Est-ce que... Euh, je veux dire...

— N'y va pas par quatre chemins, grogna-t-elle. C'est chiant pour toi comme pour moi.

— Est-ce que tu es folle ?

Livia avala de travers, toussa, s'esclaffa et retrouva son sérieux. Le tout en moins de trois secondes.

— Qui dit ça ? Les gens de la classe des étoiles ? Je m'en doutais. Bande d'hypocrites. Je ne suis sans doute pas la fille la plus normale du monde, mais j'y vois plus clair qu'eux.

Puis elle mâchouilla placidement ses pommes de terre. Éberluée, Lua garda le silence. Puis elle dit :

— Je ne sais plus vraiment qui je suis...

— C'est ton problème, ma petite.

Elle se leva sans toucher à son dessert, comme si la présence de Lua lui était devenue insupportable.

L'après-midi, Lua se retrouva seule face à Créon qui lui donna comme seule consigne :

— Tu sais ce qu'on attend de toi, non ? Alors retire ton Tech'let et plonge.

Elle obtempéra, s'allongea, ferma les yeux et visualisa l'intérieur du Néon. Une minute plus tard, elle s'assoupit.

Elle arriva pantelante dans le bar et jeta un œil autour d'elle. Elle avait espéré trouver la présence rassurante de Mélodie ou celle familière de Liktor, mais ne repéra que la silhouette du masque joyeux. Il dit en guise de bonjour :

Le Chant du LoriotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant