Sonnent, sonnent, sonnent les cloches,
Quand Lua ouvrit les yeux, elle eut la surprise de reconnaître les murs de sa chambre. Pourquoi, et comment était-elle revenue ici ? Elle se demanda alors si elle avait vraiment arraché sa puce, si elle n'avait pas halluciné les derniers événements. Circonspecte, elle avisa son Tech'let pour s'informer de l'heure.
ALERTE ! Les Dissidents se sont échappés d'Onivers. Soixante-cinq sont actuellement en liberté. Vous les reconnaîtrez à leurs vêtements blancs. Si vous en croisez un, fuyez et appelez immédiatement les Chasserêves ! N'oubliez pas qu'ils sont hors-la-loi et potentiellement dangereux. Quinze d'entre eux ont été arrêtes ; ils seront exécutés à 10 heures dans la cour arrière du BADGE. N'hésitez pas à venir nombreux...
« Liktor. »
Horrifiée, elle sauta de son lit. Ses jambes la portaient à peine. Elle ouvrit la porte, dévala les marches, tomba, se tordit la cheville. En situation de stress, elle faisait toujours n'importe quoi. Mais malgré la douleur, elle se releva et reprit sa course.
Le lundi après-midi.
Elle courut vingt minutes dans les rues avant de se rappeler qu'elle avait une Perle à sa disposition. Tremblante, elle activa la fonction. Elle tapa dix fois une mauvaise adresse. Les secondes défilaient sur son Tech'let. 9 h 55. 9 h 56. La Perle s'éleva dans les cieux et la déposa bien gentiment devant le bâtiment. Elle piqua un sprint, gémissant à chaque pas. Sa cheville avait doublé de volume.
Elle fit irruption dans le hall. Vide. Tous les employés étaient sortis pour assister à la mise à mort. 9 h 58. Elle traversa l'immense pièce en claudiquant aussi rapidement que possible. Les portes vitrées s'ouvrirent automatiquement sur un jardin qu'elle n'avait jamais visité.
Pleurent, pleurent, pleurent-elles,
Si elle l'avait visité auparavant, elle aurait certainement remarqué que Noyau existait dans la réalité. Un arbre pourpre aux feuilles transparentes, un arbre actuellement en fleur. Les pétales tourbillonnaient dans les airs. En temps normal, elle se serait émerveillée devant cette beauté. En temps normal. 9 h 59. Son cœur cognait contre les parois de sa poitrine, sa cheville la lançait horriblement. Et pourtant, elle tint bon et fendit la foule.
« Liktor. »
Ce simple mot la transcendait. Pourquoi avait-elle mis tant de temps à comprendre ? Pourquoi avoir gâché ces précieuses journées ? Pourquoi avoir gâché son unique chance d'être heureuse ?
Lua avait été sacrifiée sur l'autel du BADGE.
Elle fendit la foule, ignorant les cris de protestation. Elle fendit la foule, trouva ses ailes, nagea à contre-courant.
« Il a réussi à fuir. Il est jeune, il a de la ressource : il a forcément réussi à fuir. »
Arrivée au premier rang, elle s'arrêta.
Croisa son regard.
Il lui adressa un sourire, écarta les lèvres pour dire quelque chose. Elle devina.
— Merci...
Elle vit Melwire, les traits déformés par la cruauté, reconvertie en bourreau. Son vrai visage, enfin. Elle vit Melwire tirer un levier. Une trappe s'ouvrit sous les pieds de Liktor.
Crac, firent ses cervicales en se brisant.
Tout explosa.
— LIKTOR ! hurla-t-elle.
Mais plus personne ne pouvait l'entendre.
— LIKTOR !
Pourquoi avait-elle été si stupide ?
— LIKTOR !
Le cadavre souriait. Souriait pour offrir à sa bien-aimée une dernière image réconfortante. Le contraste la glaça.
— LIKTOR !
Son cri se perdit dans l'écho, se perdit dans le néant. Elle était seule, seule, seule. Seule face au silence, seule face aux ténèbres.
— Liktor...
Elle n'avait plus la force de crier.
— Je veux... Je veux me perdre avec toi... Je t'en supplie... Je t'en supplie, ne pars pas sans moi...
Pendues aux branches de la nuit...
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Le Chant du Loriot
Science FictionDans la société régie par le BADGE (Bâtiment de l'Administration Générale), le rêve a été décrété ennemi absolu et les vies des habitants sont contrôlées par une puce figée dans leurs cous et par un bracelet électronique, nommé Tech'let, accessoire...