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Charles

J'en ai marre des putains de questions sur Evy et moi. Chaque fois que quelqu'un prononce son nom, j'ai envie de les frapper d'un coup de tête. Que mes amis m'interrogent, c'est quelque chose, mais les foutus journalistes.

Aimez-vous l'album de votre femme? Avez-vous participé à la création des textes?

Comme si elle ne pouvait pas faire ses choses elle-même. Je tombe en mode protecteur et leur assure qu'elle est la seule responsable de ses exploits. Elle a travaillé fort et elle mérite ce qui lui arrive. Je le pense vraiment. Oui, depuis la sortie de l'album, les gens se questionnent de plus en plus sur notre couple. Disons que les chansons ne laissent pas entendre que notre couple est très solide. Je suis assis devant mon portable et la douce voix d'Evy flotte dans mes oreilles. J'ai dû écouter sa playlist sur Spotify, une bonne centaine de fois. J'ai appris presque toutes les paroles.

Je suis pathétique.

En même temps, c'est la seule manière de savoir comment elle se sentait réellement, car en personne, elle ne laissait jamais sous-entendre que notre entente ne la satisfaisait pas. Ma préférée est la cinquième en liste. Elle s'intitule Just Friends.

Je devine très bien qu'elle a essayé d'écrire avec mon point de vue de notre relation.

I don't want the strings attached

( Je ne veux pas d'attaches)

'Cause I don't know how long we'll last

(Parce que je ne sais pas combien de temps on durera)

I want you here

(Je te veux ici)

I just like having you around

(J'aime t'avoir près de moi)

But I don't want to be held down

(Mais je ne veux pas être retenu)

'Cause you and I

(Parce que toi et moi)

We're just friends

(On est juste amis)

Au départ, elle n'avait pas tort, mais plus le temps avançait et plus je me suis attaché malgré moi. Je fais tourner ma chaise et accueille bien le vertige causé par le mouvement. J'ai tellement l'impression de ne plus rien ressentir. Je commence à me faire peur. La sonnerie de mon téléphone me fait sursauter et je me stabilise en posant mon pied au sol. Encore un peu étourdi, j'attrape le combiné et réponds.

-Charles!

-Nico! dis-je en reconnaissant la voix de mon agent.

-Écoute, je sais que tu passes une mauvaise passe, ces temps-ci, mais je ne passerai pas par quatre chemins.

Putain, qu'est-ce qu'il va me sortir encore...

-Shoot!

-L'album de ta conquête de Vegas nous met dans l'eau chaude. Je suis bombardé de message en lien avec ça.

Je bombe le torse et me lève brusquement de ma chaise.

-Premièrement, ce n'est pas une conquête...elle s'appelle Evelyne et deuxièmes, la liberté d'expression, ça te sonne une cloche?

-Du calme, je ne voulais pas t'insulter. Après tout ce temps, je ne croyais pas que c'était encore un sujet sensible. Pardonne-moi. Lance-t-il d'un ton calme.

Je me rassois et je remarque à l'instant que j'avais les poings serrés. Je me détends et accepte ses excuses.

-Fais juste te montrer respectueux envers elle...

-Promis!

-J'imagine que tu ne m'appelais pas juste pour me donner le problème. Tu as une solution?

-Oui, mais je sais que tu n'apprécieras pas...

-Quoi?

-Le prochain Grand Prix c'est à Miami...je crois qu'elle devrait venir sur place pour t'encourager.

Je ne trouve rien d'autre à répondre qu'éclater de rire. C'est n'importe quoi...

-Elle ne voudra jamais.

-Nous avons plus de chance si c'est toi qui lui demandes directement.

Je fixe mon mur qui porte encore la trace de mes jointures en soupirant bruyamment. J'accepte de tenter ma chance, mais je ne lui garantis pas d'obtenir ce qu'il veut. Lorsque la ligne se coupe, je fais les cent pas dans ma chambre. Il y a longtemps que je n'avais pas été aussi nerveux. Je suis certain qu'elle ne décrochera même pas. La question sera donc réglée.

-Dis Siri... Appel Wifey.

Appel Wifey en cours...

J'ai les mains moites juste à dire ce surnom à voix haute. Ma nervosité augmente de sonnerie en sonnerie. Le temps semble s'arrêter à la seconde où j'entends un clic.

PUTAIN!

-Charles?

Je ne m'attendais tellement pas à ce qu'elle répondre que j'en tombe presque par terre. Les paroles restent coincées dans ma gorge.

-Allô ? Il y a quelqu'un? ... Ah ça doit être un Pocket call. Dit-elle à quelqu'un près d'elle.

Dis quelque chose imbécile, elle va raccrocher.

-E...Evy? Je bafouille.

Le bruit ambiant m'indique qu'elle n'est pas dans le confort de sa résidence.

-Charles? Ajoute-t-elle d'une voix qui trahit sa nervosité.

Je me frappe le visage pour me ressaisir. Je n'ai jamais eu de difficulté à parler à une femme... Ce n'est pas aujourd'hui que je dois commencer à faire un fou de moi. Je ramasse mon courage et entame la conversation comme une personne normale.

-Je ne te dérangerai pas longtemps... Je sais que le moment est peut-être mal choisi, mais mon prochain Grand Prix est à Miami...

-Et? m'interrompt-elle rapidement.

Je sens déjà la tension dans sa voix.

-Nico aimerait que tu viennes... Dis-je en me cachant derrière mon agent.

-Pourquoi?

-Disons que les gens commencent à douter de notre couple!

-Alors, ton agent veut que je vienne jouer à la petite femme parfaite, c'est ça? dit-elle sèchement.

-Oui...

Je n'arrive pas à en ajouter davantage. J'aimerais lui dire qu'en réalité, elle me manque et que j'ai envie de la voir. Toutes ces vérités restent coincées dans ma poitrine.

-OK! Je vais lui écrire mes nouvelles coordonnées pour qu'il m'envoie les billets.

-Tu n'es plus à la résidence?

-J'ai gradué...Duh!

-C'est vrai. Félicitation en passant.

-Merci. Écoute, je dois y aller. On se voit à Miami! dit-elle en raccrochant aussitôt.

Je reste debout planté devant ma vitrine. Je viens de passer pour l'homme le plus insensible de la planète. On ne s'est pas parlé depuis des mois et je lui dis qu'elle doit venir au grand-prix, sans même prendre de ses nouvelles. Je l'ai suivi sur les réseaux sociaux, mais elle ne le sait pas. Je me suis ouvert un compte avec un nouveau pseudo et sans photo de moi. Elle n'a aucun moyen de savoir que je fais partie de sa liste d'abonnés et c'est bien comme ça. Il faut absolument que je me comporte mieux à Miami. C'est ma chance ultime de me faire pardonner pour mes bêtises ultérieures.

Bienvenue à VegasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant