𝐿𝑒𝑡𝑡𝑟𝑒

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   J'étais encore fébrile de vous avouer que j'avais envie de vous quitter. Les mois passaient et je n'arrivais à trouver un sens aux études que je menais. On étudiait l'histoire des espèces, de l'apparition de la vie et cette période sinistre où nous autres, êtres humains, saccagions ce que nous touchions. On parlait plantes et pollen, volcans éruptifs et dorsales océaniques. Je m'en passionnais autant que je détestais. Tout ce savoir était unique, précieux comme un livre gravé d'or que l'on transmet. Pourtant je m'enfonçais dans un ennui sans fond.

     J'ai osé une fois te souffler que je suivais des cours à la fac de lettres en cachette. Je me glissais au fond d'un amphi pour écouter des spécialistes me faire découvrir une autre histoire du monde : une histoire d'images, de pixels, de poésie. J'ai rencontré Hitchcock, Cassavetes, Truffaut. J'ai succombé à Varda et Demy, tressailli devant Kubrick et Méliès, dormi face à Bela Tarr et ses lenteurs.

     T'avais pris la nouvelle comme une offrande. « J'adore le cinéma », m'avais-tu confié. Notre première passion commune venait de percer. Tu m'as cité les œuvres qui te faisais vibrer : Princesse Mononoké, Les Tontons Flingueurs, En attendant Philippine. On s'était mis à parler ciné à tout bout de champ. Tu me demandais de te conseiller des films. On a partagé durant nos soirée Taxi Driver, Psychose ou encore Orange Mécanique.

     T'as chéri ma passion et tu m'as incitée de l'exploiter. Alors j'ai quitté les sciences à la fin de notre première année pour faire du cinéma. L'étudier, l'explorer, le consumer. Tu as cru en moi comme personne et grâce à toi je me suis trouvée, j'ai vécu des années qui m'ont portée. 

Lettre à ÉliseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant