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C'est Clémentine qui a fini par percer le mystère de Didier au début de notre quatrième jour de voyage. Comme à notre habitude, nous étions les derniers au petit-déjeuner et les autres randonneurs se préparaient au départ. Elle a hélé Didier qui s'engageait dans le sentier :

Les randonneurs ! Les randonneurs avec Benoît Poelvoorde !

Nous l'avons tous dévisagée comme si elle venait d'être frappée par la foudre, même les Allemands déjà engagés dans le chemin. Seul Didier a compris. Il a ri en agitant la main pour nous saluer.

— Excellent ! À ce soir, les jeunes !

— D'où tu sors ça ? avons-nous demandé à Clem lorsque Didier et son groupe ont disparu derrière les bouleaux.

— J'ai fini par reconnaître, c'est là où ils ont tourné le film.

— J'aurais pas aimé être le mec qui a dû porter tout le matériel de tournage jusqu'ici, a ricané Jules.

— D'où la plateforme pour l'hélico.

Nous avons emporté avec nous des barres chocolatées et le reste d'omelette à la menthe du dîner que le gardien avait en trop. Ça nous ferait un déjeuner fameux au sommet de la Bocca Stagnu que nous allions atteindre dans la journée.

Nous commencions à être habitués mais Mahé s'obstinait à nous détailler les points de la journée avant le départ. Bilan : grimper des heures un flanc de la montagne et redescendre ensuite de l'autre côté.

— Que l'aventure continue ! s'est réjouie Katie en prenant pour une fois la tête de notre file indienne.

Et l'aventure est en effet venue à nous bien plus vite que nous ne l'attentions. Trente minutes après le départ, le sentier a débouché sur un promontoire qui nous a coupé le souffle. De vertigineuses dalles rocheuses enclavaient la rivière tel un canyon de vert et de gris. Couchées à l'horizontale, les dalles formaient des tapis superposés les uns aux autres. Sous le ravin, le torrent crachotait.

Une passerelle de métal joignait les deux berges séparées par les gorges.

— Non, a dit Clémentine avant même que Mahé ait eu à affirmer que nous devions traverser.

— Clem...

— Je ne passerai pas sur ce pont instable. J'ai déjà trop donné le premier jour en haut des crêtes, je ne recommence pas.

— Tu sais bien qu'on n'a pas le choix, a tenté de la persuader Mahé.

— Non.

Pour la première fois depuis le début du voyage, Jules a fait preuve d'agacement. Ce n'était pas un secret que Clem et lui s'appréciaient peu.

— Tu saoules, moi j'y vais.

Il s'est élancé vers la passerelle et s'est appliqué à poser ses pieds sur les lattes d'acier. La structure a tangué sous son poids et ses mouvements. Ça a fait rire le blond qui s'est mis à accentuer les oscillations en se balançant de droite à gauche.

— Il est con ou quoi ? s'est impatientée Katie en lui emboîtant le pas.

Elle est montée sur la passerelle et, de ses mains fermes, a tenté de stopper les mouvements provoqués par Jules.

— Arrête de faire le couillon, tu vas nous faire tomber !

Nous avons attendu qu'ils parviennent sur l'autre rive pour nous engager. Je suis passée en première, Clem derrière moi et Mahé fermant la marche.

— Vous ne me lâchez pas, nous a suppliés notre amie.

— Pose tes mains sur les cordes et regarde droit devant toi, lui a conseillé Mahé. Tu fixes la nuque de Cléo, ou Jules et Katie là-bas et, tu verras, on sera vite arrivés.

Lettre à ÉliseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant