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— Il n'y a plus de place au dortoir, nous a annoncé Mahé, lessivé, en se frottant les yeux.

Clémentine a glapi, trop aigu :

— Et on fait quoi ?

— Il reste des places dans les tentes à l'extérieur. J'en ai réservé deux.

Le vent courbait les vitres fines des fenêtres de la salle commune du refuge, parcourant le parquet de frissons. Au-dehors, l'orage était passé mais le ciel était encore gris.

— On a d'autres choix ? a dit Katie, résignée.

Mahé a secoué sa tête, ses boucles ont volé. Jules a claqué des mains.

— Alors allons découvrir notre futur palace !

Les tentes nous attendaient sur l'herbe claire à l'arrière du refuge. Le lieu en proposait pour les randonneurs qui n'avaient pas la foi d'en apporter.

— On va dormir comme des princes !

Nous avons déposé nos sacs à l'intérieur, récupéré quelques vêtements chauds pour nous changer et sommes retournés aussi vite dans le bâtiment. L'air était si froid que j'ai décidé de passer mon tour de douche, je n'avais pas la tête à m'infliger un lavage à l'eau de source supplémentaire. Tant pis, je resterais avec ma crasse.

Nous nous sommes étalés sur les chaises autour d'une table au fond de la pièce principale. Des discussions chaleureuses éveillaient le lieu. Jules et Mahé sont partis pour tenter de prendre une douche et Katie nous a apporté des tasses de tisane à la verveine. Je n'ai pas attendu qu'elles refroidissent pour prendre une gorgée. L'eau bouillante a irrité ma gorge mais les picotements réchauffant qu'elle a procuré dans mon estomac m'ont réanimée. Nous sommes restées silencieuses, les yeux rivés aux quatre coins de la pièce sans jamais se croiser.

Ciao ragazze ! On joue aux cartes ?

J'ai levé ma tête subitement.

— Albert !

Il a souri en prenant place à côté de moi, un paquet de carte dans la main.

— T'as l'air plus en forme.

—J'ai été remis sur pied par la dame là-bas.

Il a désigné d'un regard une randonneuse installée près de la fenêtre. J'ai de suite reconnue la jeune femme de mon couple de tourtereaux lyophilisés préféré. Puis il s'est tourné vers Katie et Clémentine, son éternel sourire nous irradiant de bonne humeur.

— À qui ai-je l'honneur ?

Leurs rires ont créé des vagues sur la surface de leur tisane. Elles se sont présentées tour à tour, ravies du charme de leur interlocuteur.

— Clémentine, delizioso, a commenté Albert.

Notre amie a pris une teinte rosée en se dissimulant encore plus derrière sa masse de cheveux blonds. Katie est venue au secours de sa timidité.

— Tu voyages seul ?

— Que depuis hier, a expliqué Albert. Je suis parti de Calvi avec un autre copain mais il s'est blessé dans le Cirque de la Solitude. Ils l'ont rapatrié à Ajaccio.

— Et toi tu l'as laissé partir seul ? a souligné Clem en courbant ses sourcils.

Albert a haussé ses larges épaules d'un air désinvolte.

— Dans son dernier souffle, il m'a dit à l'oreille « continue, pour nous deux ». Alors je continue.

Clémentine a levé ses yeux vers le plafond, Katie a souri.

Lettre à ÉliseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant