Esterna

Prologue

Rouge. Telle était la couleur du ciel en ce soir sans lune. Les opaques nuages reflétaient la couleur des flammes ardentes dévorant peu à peu les alentours. La fumée s'envolait si haut dans le ciel, emportant avec elle dans le vent les cendres chaudes du brasier. Cette forte odeur de brûlé était repérable à des kilomètres à la ronde. Comment ne pas comprendre le drame qui se déroulait, des cris de douleur et d'effroi s'échappaient de toutes les directions.

Le château était pris d'assaut. Les habitants étaient massacrés les uns après les autres par une armée qui était bien plus nombreuse que celle du royaume. Mais les soldats du palais n'abandonneraient pas, protéger la reine était leur unique but. Alors s'ils venaient à mourir en accomplissant leur mission, ils le feraient tous courageusement jusqu'à leur dernier souffle. Ils défendaient coûte que coûte les portes et fenêtres pour permettre la fuite de leur souveraine.

La reine-mère, son époux ainsi que son enfant fuyaient par les portes dérobées pour sortir au plus vite de ce brasier. Le futur d'Esterna était dans leurs mains. Ils ne pouvaient pas se résigner à mourir. Ils dévalèrent les escaliers dans le but de rejoindre un allié qui les aiderait à fuir. Arrivés au pied de l'escalier de service, ils se retrouvèrent face à un cul-de-sac. Ils étaient à bout de souffle et pouvaient entendre leur cœur tambouriner dans leurs oreilles. Pourtant, l'obstacle devant eux ne les décourageait pas, la reine posa sa fine main pâle sur la pierre faite de calcaire et le mur s'entrouvrit pour laisser place à la sortie en direction de la forêt.

Les échos des cris étaient davantage sonores, le cœur serré, ils devaient continuer d'avancer. Derrière eux, on pouvait entendre au loin les armures et les armes qui s'entrechoquaient. Le son se rapprochait à mesure qu'ils s'éloignaient du palais. Ils n'hésitèrent plus et foncèrent vers l'orée de la forêt, dans celle-ci, ils y auraient l'avantage. En pénétrant les bois sombres, les arbres s'écartèrent miraculeusement devant eux, laissant le chemin libre. Guidés par des milliers de lucioles, ils avancèrent sans un regard vers l'arrière, ils savaient exactement où ils devaient se rendre. Les bois se refermèrent laissant les poursuivants sans la moindre possibilité d'entrer.

Devant la forêt fermée, s'avança un étalon noir avec sur son dos, un soldat. Son casque était différent des autres montrant son statut important et supérieur.

– Qu'est-ce que vous attendez ? Qu'on vous serve le thé ? Sa Majesté Seth veut qu'on lui ramène morte ou vive la reine Virani ! Détruisez-moi ces arbres et fouillez cette maudite forêt de fond en comble s'il le faut, mais ramenez-les moi !

Le ton strict, qu'elle eut pris, eut l'effet voulu. Les soldats brandirent leurs épées et tailladèrent les arbres les uns après les autres formant un passage vers l'intérieur. Mais plus ils tallaient les branches moins ils avaient l'impression d'avancer. En fait, ils n'avaient même pas traversé les premiers arbres. C'était comme-ci la forêt d'elle-même, leur refusait son accès.

La course effrénée des deux fuyants s'acheva dans une clairière. Leurs pieds bottés foulèrent alors une mousse verte magnifique qui recouvrait la majorité du sol à l'exception de quelques fleurs, tels des œillets et des pensées aux multiples couleurs. Une femme brune aux yeux scintillants se tenait en son centre, un panier d'osier et une branche de saule pleureur en main.

– Ma sœur ! S'exclama la reine les larmes aux yeux. Je vous remercie d'être venue et d'avoir répondu à notre appel.

– Virani... Le palais est en feu et notre famille en danger, pensiez-vous sincèrement que j'allais vous laisser tomber ?

La femme brune s'approcha de son aînée en lui tendant le panier et la branche. La reine son nouveau-né aux bras s'approcha du panier pour y découvrir un nourrisson dormant.