Comme une comédie romantique

Chapitre 15 : Nina

Si elle devait marcher un kilomètre de plus, Nina allait s'effondrer sur le bord de la route parce que ses jambes ne la porteraient plus.

Solange s'était surpassée lors de l'entraînement et plusieurs joueur·ses grimaçaient à chaque pas. Ce qui n'avait empêché personne de participer à la soirée que leur capitaine organisait chez elle pour fêter le week-end – un prétexte comme un autre pour améliorer leur cohésion d'équipe en mangeant des cochonneries.

Heureusement, l'appartement de Solange était proche du terrain et iels y furent en moins de dix minutes. Nina put s'effondrer sur le canapé avec Chris et Jenna, qui avait déjà trouvé le moyen de se servir à boire. Camille aida sa capitaine à poser sur la table toute la nourriture prévue pour la soirée : saucisson, cake au chorizo, cake à la courgette et au chèvre, cake végan aux olives et au romarin, tarte à la tomate, encore du saucisson, toasts de thon et de fromage frais. Bref, de quoi nourrir une équipe de football affamée.

— La première qui vomit, je lui fais payer, avertit Solange.

Puis elle s'enferma dans la salle de bain pour prendre une douche.

Tous les regards se tournèrent vers Chimaka, qui avait mélangé trop d'alcools lors de la soirée précédente, et dont Nina avait dû s'occuper pendant une demi-heure avant que Jenna ne la ramène chez elle.

— Ce soir, je m'en tiens au jus d'orange, dit-elle en levant son verre. Je ne veux plus jamais revivre une gueule de bois comme ça. Camille, je t'ai pris du thé glacé, au fait.

— Meuf, je t'aime, dit-iel.

— Tu fais trop facilement des déclarations d'amour, commenta Nina.

— Et alors ? C'est important que les gens sachent ce que je ressens pour eux. Surtout que Chimaka est super belle, j'aurais carrément pu craquer pour elle.

— Mais t'as préféré choper un mec roux avec une peau trop pâle pour être naturelle. T'as vérifié que c'était pas un vampire ?

L'expression de Camille était éloquente et Nina ricana, sous le regard interloqué de Chris.

— Vous êtes trop bizarres.

— On s'y fait, promis, dit Camille. Il faut se mettre au niveau de Nina, ça rend les conversations beaucoup plus drôles. Même si je refuse de rentrer dans son jeu quand elle essaie de me convaincre que je suis le personnage principal d'un mauvais roman pour ados.

— T'es nul·le. Je vais me chercher à manger.

Nina grogna en s'arrachant au canapé et Camille prit aussitôt sa place afin de poursuivre sa discussion avec Chris. Pendant un an, iel avait été la seule personne non-binaire de l'équipe et, même si toutes les filles avaient été très ouvertes, ça lui faisait du bien de côtoyer quelqu'un qui comprenait ses difficultés. Nina en avait appris beaucoup au sujet de la non-binarité au cours des mois précédents, mais elle ne saurait jamais vraiment ce que son ami·e ressentait.

Tout le monde mangeait, buvait, discutait dans le salon de Solange, qui avait les moyens de se payer un appartement suffisamment grand afin d'accueillir dix-neuf personnes. Nina se planta devant la table pour choisir son repas, écoutant d'une oreille distraite la conversation entre deux de ses coéquipières qui parlaient de leur professeur de biologie. Nina avait toujours su qu'elle n'était pas faite pour les sciences et des mots comme « mitochondrie » et « acides aminés » la confortaient dans son choix de filière – sans parler du vocabulaire tellement compliqué qu'elle aurait été incapable de l'écrire. Son cake au chorizo en main, elle déambula en cherchant quelqu'un avec qui discuter.

Il lui fallut cinq minutes pour se rendre compte que Solange n'était toujours pas sortie de la salle de bains. Pourtant, l'eau avait cessé de couler depuis longtemps. Un rapide regard aux alentours lui confirma que personne d'autre ne l'avait remarqué. Nina avala sa part de cake, vida son verre d'une traite et poussa la porte du couloir desservant la chambre et la salle de bains.