Scandal [ANCIENNE ÉDITION]

Chapitre 32 - Harper

J'ai embrassé Tyler.

Pas pour la comédie.

Pas pour les caméras.

Je l'ai embrassé avec tout mon consentement, seulement parce que je le voulais.

Seulement parce que j'en ressentais le besoin.

Comme si mon instinct m'y avait poussé.

J'ai pourtant eu le choix dès le premier instant.

J'aurais pu le repousser.

Mais je n'en ai pas eu envie une seule seconde.

Je ne voyais que ses lèvres, attendant patiemment que de rencontrer les miennes.

Que pouvais-je faire si ce n'est craquer ?

Aucune raison n'est venue me reprendre. Ce que je ressentais à l'instant T était si intense que rien d'autre ne pouvait polluer mes pensées.

Il n'y avait de la place que pour sa bouche légèrement entrouverte.

Mon cœur s'est de lui-même emporté, rendant ma respiration chaotique.

Je n'ai pas su résister.

J'ai été faible.

Puis j'ai aperçu un flash par la fenêtre.

J'ai flippé.

Je savais que c'était trop tard, je savais que nous n'y échapperions pas.

Demain, une photo de nous, excités, paraîtra dans la presse du monde entier.

Jamais nous n'avons le droit d'être seul, pas même chez nous, pas même à l'hôtel, pas même la nuit.

Jamais.

Notre vie privée n'a pas le droit d'exister, comme si nous étions des pantins seulement créés pour donner à la presse de la matière à faire des articles.

Il est évident que la question de l'environnement n'est pas assez vendeur.

Comment pourrait-il l'être alors que nous vivons dans une société qui évolue sous le bon vouloir de gouvernements plus décevants les uns que les autres ?

Comment la population pourrait-elle réellement faire changer les choses alors que la plupart des célébrités refusent de voyager dans autre chose que des jets privés ?

Il y a peu, j'ai lu que même si toutes les personnes des classes pauvre et moyenne du monde adaptaient la vie la plus écologique possible, ce ne serait pas suffisant pour modifier l'avenir de notre planète.

Je fais partie de ces célébrités qui refusent les transports privés à grande empreinte comme les bateaux et les jets privés, quitte à me faire reconnaître.

Si je ne faisais pas ça, je ne pourrais pas me regarder dans le miroir.

Je souhaite vivre sur une planète qui n'atteint pas son jour de dépassement* au milieu de l'année.

Et pourtant, parce que les quelques riches de ce monde décident de ne rien faire, mes efforts n'ont pas l'impact espéré.

J'aimerai qu'ils comprennent que les chiffres qui figurent sur leur compte en banque ne les sauveront pas lorsque la Terre ne supportera plus ce que nous lui imposons.

Mais rien n'y fait, peu importe le nombre de célébrités prenant la parole, étant égérie de mouvements écologiques.

Ceux qui se fichent de notre planète s'en ficherons jusqu'à ce que ce soit trop tard.

Peu importe que les canicules soient de plus en plus régulières et importantes.

Peu importe que des forêts brûlent à cause de la sécheresse.

Peu importe que les glaciers fondent à cause de la hausse des températures.

Peu importe que des espèces animales s'éteignent ou doivent fuir leur habitat parce qu'il n'est plus adapté à leurs besoins.

Tout ce qui intéresse le monde, c'est la vie privée de personnes qu'ils pensent connaître.

J'aimerais leur crier qu'ils doivent se réveiller, qu'il y a plus important, mais je sais que c'est inutile.

C'est un combat qui ne paraît concerner qu'une partie de la population et surtout pas ceux qui ont de l'argent.

J'ose seulement espérer que je connaîtrais le moment où le monde se réveillera et se rendra compte des priorités.

J'avais de grands espoirs en la génération Z, celle qui a la possibilité de se faire son propre avis sur les différents combats du monde.

Aujourd'hui, grâce aux réseaux sociaux, les gens différents peuvent trouver des gens qui leur ressemblent, les enfants aux parents homophobes ou racistes peuvent recevoir un point de vue différent grâce aux témoignages présents sur Internet.

Pourtant, pour une raison que je ne comprends pas, tous les chiffres augmentent.

Les actes homophobes et racistes sont de plus en plus fréquents.

Les femmes se font de plus en plus agressées sexuellement ou tuées par leur mari.

Et jamais la justice ne semble prendre de décision juste.

Les victimes sont réduites au silence et les criminels restent en liberté.

Mes pensées se sont volontairement éloignées de Tyler.

Il est plus simple de penser aux injustices de ce monde que de me tourmenter à l'idée que Tyler et moi ne serons jamais un "nous".

Qu'il n'y aura toujours que lui, et moi, séparés par une virgule.

Mais finalement, est-ce vraiment une mauvaise chose ? Je ne mérite pas un instant que nous soyons plus que de simples collègues.

Je ne mérite même pas son amitié.

De lui, je ne mérite de recevoir que de la haine, ce qu'il a parfaitement su m'offrir jusqu'ici.

Il ne le sait pas, et j'ose espérer qu'il ne le saura jamais, mais je l'ai trahi de la pire manière possible.

Même donner l'adresse de mon café favori n'était pas aussi ignoble.

Comment puis-je me regarder dans un miroir et dormir sur mes deux oreilles après avoir fait ça ?

Je ne lui ai pas seulement fait un coup de pute.

Je suis aussi rentré dans son intimité, j'ai abusé de ce par quoi il passait.

Je n'aurais pas dû l'embrasser, je n'aurais pas dû commencer ça.

Nous sommes allés trop loin.

Je suis allée trop loin.

Il ne mérite pas qu'une personne l'ayant trahi, ayant tenté de détruire sa carrière, couche ensuite avec lui comme si de rien n'était.

Heureusement, j'ai repris mes esprits assez rapidement pour que nous n'allions pas aussi loin.

Il m'en veut sans doute de l'avoir stoppé dans une telle lancée, mais je n'ai pas le droit de lui faire ça.

Je n'ai pas le droit d'accepter le plaisir qu'il peut m'offrir alors que je lui ai fait du mal, alors que je lui ai pris sa liberté, seulement pour me venger.

Je ne devrais même pas avoir le droit de le regarder, de le laisser m'observer.

Je mérite la solitude, je mérite la haine.

J'ai l'impression d'être la pire personne de cette terre, et pour cause.

Je le suis.

__________________

* Jour où les humains ont utilisé toutes les ressources que la Terre peut produire par an. Après celui-ci, le monde vit sur des réserves inexistantes, mettant ainsi en véritable danger la planète.