À bord du Z-23 Rafale

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Première étape du concours : Et si on se rencontrait ?

apprenti0auteur

★★★

Comment était-ce seulement possible ?

Arlin se laissa tomber en arrière sur la couchette de sa cabine, avec un soupir. La journée avait été longue et il venait de passer les dernières heures à communiquer avec Hyldgran – où ses chefs étaient basés – et à remplir des rapport sur « l'incident », installé à son bureau comme ça ne lui arrivait que très rarement. Il faut dire que le capitaine du Z-23 Rafale était connu pour sa tendance à esquiver la paperasse autant qu'il le pouvait et ça ne plaisait pas à tous. La plupart passait aisément l'éponge devant l'affection et la confiance que son équipage lui portait et son efficacité sur le terrain, mais certains l'attendaient au tournant. Alors, cette fois, il n'avait pas pu se soustraire à ses devoirs.

Cet incident était pris très au sérieux par ses supérieurs et Arlin ne doutait pas qu'il arriverait très vite aux oreilles du Cénacle. Une capsule, dans ce coin de galaxie, était plus qu'inattendue. Cela aurait même dû ne pas avoir lieu du tout. Les routes avaient cessé de traverser ce système depuis de très nombreuses années, bien qu'il soit parfois nécessaire d'y passer, comme pour eux qui se rendait à Edeoy. Ce n'était pas précisément dangereux, c'était juste... vide.

Quelles étaient les chances ?

Vraiment, quelles étaient les chances pour que cette capsule – perdue à des années-lumière de toute civilisation – passe à cet endroit au moment précis où cet astronef passait ?

Le grand brun jeta un œil au plateau posé sur le bureau, vestige de son dîner qu'il avait avalé en quelques bouchées afin de pouvoir se remettre au travail. Ce n'était pas son genre de se faire apporter le repas directement dans sa cabine, il préférait manger en compagnie de son équipage – ses amis. Ils sillonnaient l'espace ensemble depuis bien assez longtemps pour qu'il puisse les qualifier ainsi malgré le rapport hiérarchique qu'ils devaient respecter. Ils se faisaient confiance et s'étaient acceptés malgré la disparité de leurs origines.

On frappa à la porte de la cabine du capitaine alors qu'il commençait à sentir ses paupières se fermer d'elles-mêmes. Il sursauta et grogna, assez fort pour que l'intrus entre sans plus attendre. Il s'agissait de Raelle, sa seconde.

— Dexton vient de m'envoyer un message. On peut y aller.

Ces mots suffirent à réveiller complètement Arlin qui se leva, et il partit dans les couloirs avec la rousse. Elle lui fit un rapide condensé des informations que les doctes avaient réussi à compiler depuis l'incident – ce qui était déjà assez concis, en réalité. La capsule était toujours arrimée, ils n'attendaient que la décision d'Hyldgran pour savoir s'ils devaient lui trouver une place à bord pour l'étudier de plus près ou la laisser dériver dans l'espace. Dans tous les cas, ce qui se trouvait à l'intérieur était en sécurité dans l'une des chambres de confinement du vaisseau. Il avait été détecté un seuil significatif de radioactivité, mais rien qui nécessitait plus de quelques heures pour être décontaminé, apparemment.

Voilà où se rendaient Arlin et Raelle, parce que Dexton, Zyre et Jaessa avaient empêché quiconque d'entrer dans le laboratoire après qu'ils eurent récupéré ce qui voyageait dans la capsule. Être tenus à l'écart n'était pas dans leur tempérament, mais leurs amis avaient fait ça pour les protéger. Les radiations auraient pu être plus sévères, ils risquaient leur vie. Le capitaine et sa seconde se devaient d'être opérationnels pour prendre les décisions sur place.

Une alarme retentit alors que l'ascenseur arrivait au pont inférieur. Ils se mirent à courir, les signaux lumineux indiquant que c'était au laboratoire qu'il se passait quelque chose. Arlin pressa son pouce sur le dispositif de verrouillage, situé à côté de la porte qui s'ouvrit. Le laboratoire était vide, des bruits venaient de la section de confinement. Quand ils y arrivèrent, ils assistèrent à un spectacle déconcertant : Zyre, un individu de presque deux mètres et pesant dans les cent vingt kilos, se faisait maintenir au sol par la voyageuse chétive et avait du mal à se défaire de sa poigne. Les deux autres doctes semblaient avoir été repoussés, mais ils étaient conscients et n'étaient pas blessés.

— Du calme, souffla Jaessa en voyant arriver ses supérieurs. N'avancez pas.

Elle était essoufflée et se leva péniblement alors que Raelle esquissait un geste pour attraper son arme, accrochée à sa ceinture.

— Non, ne fais pas ça ! s'exclama Dexton. Elle n'est pas dangereuse, elle a seulement eu peur de Zyre !

Arlin et Raelle échangèrent un regard confus. Certes, Zyre avait une carrure imposante et, dans certains endroits, sur certaines planètes, sa peau couleur jade attirait encore l'attention, même si les thytors se mêlaient de plus en plus aux autres peuples. Mais c'était la première fois que quelqu'un réagissait aussi violemment.

La voyageuse leva la tête, réalisant que deux autres personnes venaient d'entrer et que la porte qu'elle avait espéré atteindre était désormais ouverte. Ses yeux sombres se posèrent sur Raelle puis elle bondit sur le mur dans un mouvement presque animal, évita les mains de la rousse qui avait essayé de la saisir et sortit en courant. Le bruit de ses pieds nus résonna dans le laboratoire. Aussi vite qu'elle le put, elle essaya d'atteindre la porte mais des bras la ceinturèrent et elle tomba avec son poursuivant.

Le brun amortit la chute comme il put et dut resserrer l'étreinte de ses bras car la voyageuse se tortillait pour tenter de s'enfuir à nouveau.

— Mais t'es une vraie anguille ! grogna-t-il. Et puis où tu crois aller, hein ? Tu risques de te blesser, à courir dans le vaisseau !

Elle cessa aussitôt de bouger et son regard fut happé par la fenêtre au plafond du laboratoire. Elle put ainsi voir les points brillants qui lui étaient si familiers, et pourtant si rares dans l'épais brouillard de son atmosphère natale.

Arlin la relâcha lentement et s'écarta pour la regarder. Ses iris, qu'il avait crus noirs une minute auparavant, étaient d'un rouge profond, son visage était encadré d'une masse de cheveux noirs et emmêlés, et des traces de larmes sillonnaient encore ses joues rebondies. Le capitaine s'agenouilla, décidant qu'elle n'était pas une menace, et prit ses mains abîmées pour qu'elle s'assoie à son tour. Il la questionna, utilisant tous les langages qu'il connaissait dans l'espoir d'être compris, jusqu'à ce qu'elle réponde.

— Phaedra...

Sa voix était rauque, elle n'avait parlé à personne depuis si longtemps. Le brun hocha la tête en souriant et posa sa main sur son torse.

— Moi, c'est Arlin.

Les trois autres membres d'équipage les rejoignirent et Phaedra se tendit en voyant le thytor, derrière tous les autres. Il affichait une mine penaude.

— Demande-lui d'où est-ce qu'elle vient, suggéra Raelle qui ne parlait pas cette langue.

Arlin fronça les sourcils. Il n'avait pas besoin de lui demander, peu de personnes utilisaient encore ce dialecte. Et vu l'endroit où ils l'avaient trouvée, elle ne pouvait venir que d'une planète. La Terre.

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