the painter's dream (One SHOT)

One Shot

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𝑻𝒉𝒆 𝒑𝒂𝒊𝒏𝒕𝒆𝒓'𝒔 𝒅𝒓𝒆𝒂𝒎

Son nom était connu dans toutes les contrées voisines , Alphaios aux mains d'or ou Alphaios le magicien d'Apollon étaient ses surnoms. Il s'agissait d'un jeune peintre au talent presque inégalé et qui avait, semblait-il, le pouvoir de rendre vivant tout ce qu'il peignait. Pour lui les commandes affluaient de toutes parts , du plus éminent au plus pauvre, tous voulaient avoir , une fois au moins , leurs yeux posés sur l'une de ses œuvres qu'on disait pouvoir redonner la vue aux aveugles et redonner le sourire au plus malheureux. Mais malgré tout cela , il n'était pas heureux. On ne l'aimait pas lui mais plutôt son don , son talent et cela lui pesait . Il vivait seul dans son atelier , parfois accompagné par son apprenti, quelques nuits par une femme ou un homme pour noyer son chagrin mais jamais rien de bien sérieux. Il n'était pas attaché à la vie , seulement à son art et rien d'autre que sa passion, et son fardeau selon les jours, l'empêchait de soudoyer Charon pour rejoindre l'autre monde.

Ce jour-là son sentiment de solitude était monté à un niveau et avait pris une importance jusqu'alors jamais atteint. Le jeune peintre broyait du noir, affalé sur son divan, seul siège de son atelier et qui lui servait accessoirement de lit. Son apprenti était parti au moment où le char mené par Séléné avait montré le bout de son nez, chassant celui de son frère, et son atelier était donc encore plus sombre et plus triste qu'avant malgré les couleurs qui barbouillaient le sol, le mur et le plafond.

- Quelle vie.. Rien ni personne ne sait encore me rendre bien vivant... Je ne suis qu'un pauvre homme doté d'un don vide de sens...

Plus que n'importe quand il se sentait vide de sens. Fixant ses mains couvertes de peinture, il ne retenait plus le flot de ses pensées, sombrant peu à peu dans une sorte de fantasme, d'idéal ou de réalité rêvée.  Les pensées se bousculaient dans la tête du jeune Alphaios et il en venait à se poser mille et unes questions, questions qui l'avaient déjà tourmenté dans le passé et le suivaient encore jusqu'à présent. Quel était le but, la finalité de sa vie s'il excellait déjà dans son domaine ? Si sa bénédiction s'avérait malédiction  si peu à peu ceux qui l'aimaient ou plutôt qui aimaient son don le lâchaient ? S'il n'arrivait plus à peindre ou encore s'il venait à disparaître : qui se souviendrait de lui ? Et encore tout un tas d'autres choses plus sombres, plus tristes et désolantes le hantaient. Plus il s'enfonçait dans cette noirceur, plus il se sentait partir.

Soudain, comme remarquant et réalisant qu'il avait le pouvoir de peindre ce qu'il voulait, il lui vint en tête qu'il était capable par lui-même de s'enfuir de cette terrible réalité grâce à ce don offert des dieux. Sautant sur ses pieds, arrachant sa toile en cours et accrochant une nouvelle voiture vulgairement, il se munit de ses pinceaux et de ses plus belles couleurs. Tout en suivant ce qui lui venait dans ses pensées, l'homme aimé des muses jetait les couleurs, les étalait sur le fond de son tableau. Là où certains se noyaient dans les effluves de l'alcool, Alphaios se perdait dans la frénésie et la folie soufflées par le Musagète. Sous la pointe de son pinceau naissaient collines verdoyantes dont le parfum de l'herbe venait vous chatouiller le nez, ruisseaux et rivières qui laissaient entendre le son cristallin de leur eau, temple dont la blancheur et l'éclat de la pierre transcendaient ou forêts qui laissaient deviner toutes les créatures divines quelle abritait. Son œuvre semblait bouger, comme summum de son art, œuvre des œuvres il donnait l'impression d'avoir ouvert sur son petit bout de toile un monde onirique.

Au petit matin après avoir été porté par le souffle d'apollon, l'artiste finit par s'effondrer, son œuvre achevée posée au sol prenant presque le mur de son atelier jusqu'au plafond. Éreinté après cette nuit de passion frénétique et artistique, les rêves du jeune homme étaient riches. Il imaginait ce que la limite de son cadre ne montrait pas : le reste de ces Landes, les villages, palais et autres monuments qui n'avaient pas encore leur place dans son œuvre.