Cela faisait désormais cinq minutes qu'Isaac était parti de la pièce, et cinq minutes également que Monsieur et Madame de Coutais ne s'entendaient pas sur un point :
– Et moi qui vous répétais que nous aurions dû engager un tuteur, Madame de Coutais commençait à hausser le ton, de désaccord.
– Et moi je vous dis qu'il n'est pas bon qu'elle reste constamment ici, à parler aux murs.
– Elle peut s'adresser à nous, ou encore à sa femme de chambre, à la cuisinière, au voiturier, au jardinier ...
Monsieur de Coutais lui coupa la parole :
– Ayez un peu de bon sens. Je vous parle d'enfants de son âge, Nicole !
– Voyez où cela nous mène mon cher !, faisait-elle référence à l'altercation qu'Isaac venait juste de rapporter.
Aucun des deux n'avait raison plus que l'autre, tous deux avaient de forts arguments. Sous ses airs farouches, le grand-père d'Annabelle s'avérait plus attentif, quant à ses besoins, qu'il ne le laissait paraître.
– Il nous faut trouver une solution, mon ami. Je propose que nous acceptions l'offre d'Isaac pour le moment. Mais il faudra se décider rapidement. Notre petite fille mérite la meilleure et la plus prestigieuse des éducations et je ne tolérerai pas plus longtemps qu'elle reste dans cette école publique.– Elle doit apprendre à s'endurcir et c'est pour cela que ce que ces petits garnements ont fait lui sera bénéfique dans le futur. Certes, je ne peux cautionner un tel comportement, mais elle doit affronter les dures épreuves que lui offrira la vie.
– Je sais pertinemment que vous avez raison sur ce point Marcel mais..., Madame de Coutais s'adoucit-elle.
– Mais c'est ainsi jusqu'à nouvel ordre.
Madame de Coutais n'avait pas besoin d'entendre son époux le dire pour savoir ce qu'il pensait. N'ayant pas réussi l'éducation de sa fille, elle avait inconsciemment tout reporté sur la génération suivante, espérant faire d'Annabelle une jeune fille de bonne famille. Monsieur de Coutais lui en avait toujours voulu pour avoir fait fuir leur fille à cause de cette obstination. Il savait qu'elle ne voulait que son bien, mais elle avait écouté ses besoins avant ceux d'Hélène. La vie bourgeoise ne lui correspondait pas, elle détestait toute mondanité et à partir du moment où elle avait rencontré Vincent Brisson, elle avait décidé de quitter ses parents. Madame de Coutais avait tout fait pour que leur fils cadet, Nicolas, ne suive pas le même chemin.
– J'écrirai une lettre à Nicolas pour lui demander de nous aider à prendre une décision. Il devrait savoir quoi faire.
Il était évident que Madame de Coutais ne jurait que par Nicolas. Elle était fière de lui, du fait qu'il était devenu un banquier de renom. Bien sûr, elle était absolument conquise par sa femme Clothilde et leur était reconnaissante de leur avoir fait une petite fille du nom de Bertille, qui n'était pas beaucoup plus âgée qu'Annabelle.
– Faites donc. De toute manière, j'ai d'autres choses plus importantes à régler.– Ne vous occupez pas de moi. Cela sera comme si je n'étais pas là, se réjouit Madame de Coutais en prenant place au petit bureau qui lui était destiné au fond de la pièce. Elle sortit une feuille de papier et trempa sa plume dans l'encrier avant de se mettre au travail. De son côté, Marcel de Coutais ne pouvait penser à rien d'autre qu'à sa petite fille.
– Comme ils ne peuvent finalement pas venir pour le réveillon de Noël, je vais leur proposer de venir tous les trois pendant les vacances d'été ! N'est-ce pas une idée formidable ?
Son mari acquiesça, sans vraiment faire attention aux paroles de celle-ci.
– Ma douce Bertille doit avoir bien grandit depuis la dernière fois que nous l'avons vu, n'est-ce pas Marcel ? N'as-tu pas hâte de la revoir ?
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Annabelle de Coutais
Historical FictionAnnabelle, jeune villageoise française de 12 ans est élevée par ses parents dans un village de campagne. A l'été 1879, quand ses parents décèdent brutalement, Annabelle se retrouve à vivre une vie bourgeoise pleine de nouvelles règles dans le Châtea...