À Travers les Miroirs

Chapitre 7

Kyle avait passé une mauvaise journée. Après ce qu'il s'était passé ce matin, ses pensées n'étaient concentrées que sur cet évènement, qui fut court, certes, mais si intense pour lui. Il n'arrivait pas à suivre les cours et il était particulièrement silencieux, ses amis le remarquèrent et ils essayèrent de savoir pourquoi il ne se sentait pas bien, mais rien ne sortait de sa bouche. Il ne voulait qu'une chose : rentrer chez lui. Et le temps c'était ligué contre lui, il semblait passer la journée la plus longue de sa vie. Et une fois que les cours eurent finis, c'était les transports qui, à leur tour, l'empêchaient de rentrer chez lui, le bus scolaire était coincé dans les embouteillages, ce qui était très rare à cette heure-ci. Intérieurement, il maudissait le destin qui lui mettait des bâtons dans les roues.

Une fois arrivé chez lui, il se rua dans sa chambre, jeta son sac parterre et couru jusqu'au miroir.

– Emma !

Pas de réponses. Il posa violemment ses mains sur le miroir incrusté à son armoire, faisant trembler meuble.

– Emma !

Rien.

Il soupira et colla son front contre le miroir, il fronça les sourcils, essayant de calmer les battements de son coeur qui allaient beaucoup trop vite et qui étaient beaucoup trop violents à son goût, puis il s'adossa ensuite contre cette glace et se laissa glisser. Il resta d'abord là assit, sans rien faire, pendant de longues minutes. Puis il alla chercher sa console portable e se mit à jouer, attendant de voir si Emma aller apparaître aujourd'hui. Mais rien. La britannique se présenta ce jour-là, ni le jour suivant. Et cela dura deux semaines.

Kyle était si anxieux et inquiet qu'il ne mangea plus. Ses parents ne remarquèrent même pas son changement d'humeur, après tout, la famille Meyer n'avait pas le temps pour les siens. Ses parents étaient toujours occupés, ils n'avaient jamais de temps à lui accorder, et pour combler ce manque, il l'achetait. Il l'achetait en lui payant ce qu'il voulait. Les Meyer avaient beaucoup d'argent pour ne pas dire qu'ils étaient riches, très riches, et après avoir eu un enfant en pensant que ce dernier sauverait leur couple, ils pensaient que l'argent pouvait combler le manque d'affection qu'il n'avait plus en grandissant. Ils ne remarquaient pas grand-chose, ils ne s'intéressaient pas vraiment à sa vie, à ses passions, à sa scolarité, beaucoup trop occupé à travailler chacun de leur côté, les parents se fuyant mutuellement. Tous ce qu'ils voulaient, c'était qu'il ait les meilleures notes, qu'il réussisse ses études, qu'il soit diplômé d'une prestigieuse école et qu'il reprenne l'entreprise de son père ou qu'il crée une grande entreprise à son tour. Seul importait ses notes, le reste, l'argent s'en chargeait, selon eux. Ils n'avaient pas remarqué que leur fils communiquait avec une étrangère à travers des miroirs et lui, dans un moment de faiblesse, pensait naïvement qu'ils remarqueraient qu'il n'allait pas bien. Mais non. Quand sa mère prenait son assiette remplie pour la poser sur le plan de travail de la cuisine, il n'y avait aucun commentaire qui s'échappait de ses lèvres. Déception.

Un soir, durant le troisième jour de la troisième semaine, il s'était enfermé dans sa chambre et ne s'était même pas déplacé dans la cuisine pour prendre son assiette. Il était allongé sur le sol en train de lire un livre de sa saga préféré, une saga fantastique mêlant sorcière, chasseurs et monstres, afin d'essayer de penser à autre chose. Pendant sa lecture, il attendit un grincement, comme-ci quelqu'un bougeait dans son lit, alors il se leva et regarda celui-ci, mais rien. Il entendit de nouveau le bruit et se retourna, regardant son miroir, et il la vit. Emma était là, allongée dans son lit, dos à lui, sa respiration lente qui soulevait ses draps qui recouvraient son corps. À la vue de son amie, un sentiment de soulagement envahi son être si brutalement que sa respiration à lui se coupa.

– Emma ?

Encore une fois, il n'eut pas réponse.

– Emma, dis-moi que tu es réveillée...

Toujours rien. Il était un peu déçu, mais à la fois si soulagé de la voir. Il s'approcha et toucha le miroir, en espérant pouvoir le traverser mais sa main s'arrêta net.

– Dieu merci tu es là. J'ai eu si peur tu ne te rends pas compte. La dernière fois, j'ai entendu une porte s'ouvrir et tu as disparu pendant des jours, j'ai imaginé le pire... Il fixa ses cheveux qui tombaient en cascade sur son coussin. Pourquoi tu pleurais Emma ? Pourquoi tu me caches des choses ? Je pensais qu'on devait tout se dire et ce depuis toujours. Qu'est-ce qui se passe ?

Mais Emma ne dormait pas. Elle était là, bel et bien réveillée, les yeux grand ouverts et elle se mordait la lèvre pour essayer de ne pas pleurer. Elle ne savait pas quoi faire. Est-ce qu'elle devait se lever et tout lui dire, pleurer toutes les larmes de son corps devant lui, ou est-ce qu'elle devait faire semblant de dormir et le fuir jusqu'à ce que cet incident soit oublié ? Elle ne savait pas quoi faire et pendant qu'elle entendait Kyle parler et décharger ses émotions, elle essaya de ne faire aucun bruit pendant que ses larmes coulaient, mais un gémissement sortit de sa bouche. « Mince ».

– Emma ?

Kyle se précipita et posa ses mains sur le miroir.

– Je savais que tu ne dormais pas ! Emma je t'en supplie parle-moi ! Tu vas me fuir encore longtemps ?

Elle n'avait plus le choix. Elle devait lui faire face.

Elle se tourna doucement et remonta sa couverture jusqu'à ses joues.

– Je n'arrive pas à dormir.

– Arrête de faire semblant. Dis-moi tout. Arrête de me mentir.

Emma ne répondit pas. Elle resta là pendant ce qui semblait être une éternité, autant pour l'un que pour l'autre. Elle avait la gorge nouée, elle hésitait toujours mais elle devait tout lui dire, elle devait arrêter de lui mentir.

Elle se leva et prit sa couverture avec elle. Elle s'assit devant le miroir et il fit de même, ils étaient tous les deux en tailleurs, et Emma lui raconta absolument tout. Elle sortit de sa poitrine tout ce qu'elle enfermait depuis un moment, sa peur de décevoir, sa peur de ne pas faire mieux, ses échecs, ses difficultés, ses crises, le fait qu'elle se sentait de moins ne moins bien autour des gens, elle lui confia ses craintes et sa douleur. Kyle écouta attentivement et scruta son visage. Ses sourcils qui se fronçaient quand sa voix déraillait et qu'elle essayait de camoufler, son nez rougit, la marque de son oreiller sur sa joue gauche. Il avait mal au cœur en la voyant si vulnérable mais surtout il se sentait faible et inutile. Il n'était pas présent à ses côtés, il ne pouvait pas être là pour l'aider, il ne pouvait pas la prendre dans ses bras, caresser ses cheveux et sentir l'odeur de son shampoing pendant qu'il la réconfortait, il ne pouvait pas être là avec elle durant journée entière pour lui tenir compagnie, pour réviser avec elle, pour qu'ils aillent se promener après les cours et aller au cinéma. Il ne pouvait pas être là, présent à ses côtés, à cause d'un océan qui les séparait.

Il posa sa main sur le miroir et Emma s'arrêta de parler. Il l'invita du regard à poser sa main sur la sienne, ce qu'elle fit lentement. Et chacun, grâce à ce simple geste, sentit une chaleur envahir leurs corps et monter jusqu'à leurs joues malgré le froid que ressentaient leurs mains, et de petits picotements au niveau de leurs estomacs firent leur apparition. Les yeux aux couleurs du sable d'un désert plongèrent dans ceux océaniques de jeune garçon.

– Je ne veux plus jamais que tu me caches de telles choses. Tu n'es pas une ratée, tu es extraordinaire. En fait, tu es la personne la plus précieuse à mes yeux, et je suis sûr que tu l'es aussi aux yeux de tes parents. Ne te mets pas la pression, si tu as vraiment du mal maintenant, tu pourras toujours te rattraper au lycée. Je suis là, je suis toujours là, je t'attends toujours impatiemment. Ça me rassure qu'ils ne te font pas de mal, mais te voir dans un tel état... Il posa son front sur le miroir et elle le suivit, et ils fermèrent leurs yeux. Emma Baker tu es une personne formidable, et s'ils ne voient pas qui tu es réellement, c'est qu'ils ne te méritent pas. J'aimerai tellement que tu puisses te voir à travers mes yeux pour voir à quel point tu n'es pas une ratée pour moi. Emma, ne dis plus jamais du mal de toi, je n'aime pas qu'on dise du mal à ceux à qui je tiens.