𝐍𝐨𝐭𝐡𝐢𝐧𝐠 𝐋𝐚𝐬𝐭 𝐅𝐨𝐫𝐞𝐯𝐞𝐫 [Recueil T-34]

- Fantôme -

Dans le crépuscule ensanglanté de la guerre, où les ombres de la mort dansent une valse macabre avec les souvenirs des vivants, je me tiens dans un champ de bataille jonché de ruines et de regrets. Le fracas des canons, les cris déchirants des hommes blessés, tout cela semble lointain, comme un écho d'un monde désormais réduit en cendres. C'est dans cet abîme de désolation que mon cœur gît, brisé et saignant, pour lui.

Je me souviens du moment où le destin impitoyable a scellé notre sort. Nous étions là, dans notre char de combat, lui et moi, luttant contre l'ennemi russe qui nous assiégeait. Nos cœurs battaient à l'unisson, aucun geste attendrissant, mais nos regards scellés, comme pour défier l'horreur qui nous entourait. Mais alors, un éclair aveuglant, un rugissement déchirant, et tout a basculé.

Le Russe, tapi dans les ténèbres, a tiré sur notre char, son projectile trouvant sa cible avec une précision glaciale. Dans un instant, sa vie a été arrachée, emportant avec elle la lumière de mon existence. Je l'ai vu tomber, son visage pâle et serein contrastant avec le chaos qui l'entourait. Ses yeux, ses yeux vidés de toute lumière, mais empli d'une horreur infâme dont j'étais la faute. Son nom est sorti de mes lèvres dans un murmure désespéré, mais il n'y avait plus de réponse, juste le silence oppressant de la mort.

Depuis ce jour maudit, je suis hanté par lui, par son souvenir, son souffle derrière moi. Ses yeux, autrefois brillants de vie et d'amour, me regardent depuis un coin de la pièce, me reprochant ma faiblesse, ma lâcheté, ma survie... Chaque nuit, je revis cet instant fatidique, ressentant la brûlure de sa perte comme une lame enfoncée dans mon cœur déjà meurtri. Et chaque matin, je me réveille dans un monde qui a perdu sa couleur, où même le soleil semble se voiler de tristesse devant mon chagrin.

Je porte sur mes épaules le poids insupportable de la culpabilité. Pourquoi lui et pas moi ? Pourquoi ai-je survécu tandis que son sourire radieux s'est éteint à jamais ? Ces questions, ces tourments, me rongent de l'intérieur, m'empêchant de trouver la paix même dans les bras de Morphée.

Maintenant, je suis condamné à errer dans ce désert de désespoir, cherchant en vain un sens à cette existence dénuée de lumière. Sans lui, je ne suis qu'une ombre errante, un soldat brisé par la guerre, condamné à porter le poids de mon amour perdu jusqu'à la fin des temps. Et dans ce silence glacial qui enveloppe mon âme meurtrie, je murmure son nom, une prière désespérée pour un pardon que je sais ne jamais obtenir.