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— On n'a qu'à faire un vote, a déclaré Katie en prenant le commandement de la discussion de groupe qui s'était imposée à nous le lendemain, une fois reposés et remis de notre soirée.

Nous avons tous acquiescé.

— Qui vote pour prendre le train pour Calvi tout à l'heure, et rentrer à Marseille ce soir par le dernier ferry ?

Jules a levé la main, seul. Katie a grimacé avant de continuer :

— Qui vote pour partir sur le voilier qu'Albert jusqu'à Pertusato ?

Nous nous sommes dévisagés, hésitants. Puis Clémentine a agité une main timide et nous l'avons suivie, Mahé, Katie, et moi.

— Sérieux !? s'est renfrogné Jules.

— On n'est pas ici pour rien, lui a fait remarquer Clémentine avec une pointe de gentillesse que nous n'étions pas habitués à voir ressortir d'elle.

— Je croyais qu'on devait être rentrés dans deux jours à Marseille pour vos jobs ?

— On y sera. On part cet après-midi, on dort là-bas ce soir et demain on est de retour à Calvi pour prendre le ferry.

Jules a saisi un coussin décoratif du canapé pour le porter contre sa poitrine d'une moue déçue.

— Vous savez que je ne pourrai pas vous suivre ? Je peux pas prendre le risque de faire du bateau dans cet état.

— On sait, a avoué Katie avec assurance mais on sentait que ça lui coûtait de voir la mine de Jules se défaire à ses mots.

— Toute façon, t'avais vraiment envie d'y aller ?

Il a haussé ses épaules.

Albert était d'accord pour nous amener sur son bateau, on n'en aurait pas pour plus de trois heures pour atteindre Pertusato, la pointe sud de l'île, à quelques kilomètres de Bonifacio. L'idée nous plaisait autant qu'elle s'était imposée. Nous étions là, nous avions quitté le GR et avions à disposition un bateau, les signes nous poussaient à ne pas repartir si vite vers Marseille pour nous y morfondre. On avait encore du chemin à parcourir, il le fallait.

On a rassemblé nos affaires éparpillées un peu partout dans l'appartement, chacun plongé dans ses propres pensées. On savait que le bout de notre chemin nous mènerait à Élise, nos cœurs étaient lourds d'émotions.

Lorsque j'ai déposé mon sac dans le salon, prête à partir, j'ai été surprise de voir que Mahé ne s'était pas préparé. Il était affalé sur le canapé avec Jules. Ils jouaient sur le portable à un jeu de golf collectif. Je suis venue le trouver en me faisant une place sur les coussins.

Jules s'est aussitôt levé en grognant :

— Envie de pisser.

On a attendu qu'il s'éclipse dans le couloir pour s'enlacer. Je ne savais d'où venait réellement notre pudeur. Ils étaient au courant pour nous, c'était évident, mais je crois que je n'étais pas prête à affirmer la place que je prenais dans la vie de Mahé devant ces amis qui l'avait connu avec Élise.

— Tu ne viens pas avec nous, ai-je remarqué.

— Non.

— T'es sûr de toi ?

— J'ai pas besoin de ça. J'ai tout ce qu'il faut ici, dans ma vie.

Il a effiloché mes mèches de cheveux onduleux avec ses doigts, le visage détendu.

— J'ai déjà dit au revoir à Élise.

J'ai collé ma joue à sa paume.

— Tu vas me manquer, lui ai-je confié.

Lettre à ÉliseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant