Invitation

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Je me dresse devant lui, le regard sanglant. Ne se laissant pas décontenancé par mon effusion de rage, il guide ma main jusqu'à son érection et entame des mouvements lents, une expression d'indifférence sur son visage. Ses yeux changent instantanément de couleur et virent au noir abyssal. Je comprime avec force son membre, lui arrachant un râle de plaisir. Cette simple sonorité me sort de ma transe assassinée. J'observe alors son visage pleinement éclairé par l'astre et imprime le moindre détail. Ce grain de beauté qui se trouve sur sa mâchoire ciselée, la fine barbe qui encadre son visage, ses sourcils ténébreux à l'instar de ses cheveux, ses longs cils qui recouvrent ses yeux mi-clos de plaisir. Ses lèvres, ses lèvres qui se mettent à bouger.

- Annie, lève-toi, et mets-toi derrière elle. Je veux te voir pendant qu'elle finira ordonne-t-il à son amante mutilée sans jamais détourner son regard perçant du mien.

Ai-je bien entendu ? Il veut que je lui procure du plaisir tout en regardant sa compagne ? Voilà, toute la salacité n'est pas capable l'homme.

Toujours en vouloir plus, pour assouvir son sentiment de toute-puissance au détriment des sentiments d'autrui. Je ne connais pas cette femme ni le lien qui l'unit à lui, mais son absence de contestation et surtout son regard teinté d'amertume m'indique qu'elle est profondément blessée. Son absence de sédition s'inscrit dans mon esprit échauffé, certifiant à mes hormones refoulées, une excitation d'un autre goût. Celle du défi.

Son despotisme ne marchera pas avec moi. Malgré le capharnaüm émotionnel qui m'habite, je me concentre sur cette émotion avec ferveur.

Sous son joug, je me positionne à genoux devant lui, tout en gardant son érection entre ma main que j'évite soigneusement d'admirer. Son regard de haut me rappelle notre interlude gâché dans les thermes. Je m'avance avec une lenteur calculée et entrouvre faiblement mes lèvres asséchées.

L'intérieur de mes cuisses se tapisse d'une humidité aigre, désirant lui aussi être comblé en dépit de la barbarie de la scène. L'aliénation de mon esprit culmine jusqu'aux portes des plus sombres fantasmes en sa présence. Mon âme, dans toute sa grande anormalité, ronronne et vient toquer à ses portes, prêt à les enfoncer et se laisser rrepaître ici même, sur la dalle fraîche du balcon, sous le firmament étoilé.

Il appose sa main crispée sur mon épaule et je relève paresseusement les yeux vers lui, feignant une respiration saccadée. Les hommes raffolent de cette position de domination et il ne fait pas exception puisqu'il s'agrippe à mon épaule avec impérialisme, m'invitant à commencer. Ses prunelles ne sont plus qu'un abîme de désir primaire. Plongée dans cet abysse d'ocre, j'entends à peine, non loin les pas hésitants de sa compagne, un faible râle de souffrance provenant d'elle.

- Peux-tu commence-t-elle

Au même moment, tandis que j'approche de son membre dressé fièrement, mes ombres viennent sectionner la langue de la fameuse Annie, d'un coup seul coup net. Je regarde le muscle meurtri s'échouer aux pieds de cette dernière dans un bruit chuintant, dans l'incompréhension la plus totale. Hors du temps, je me relève le cerveau engourdi et entame un pas dans sa direction et m'arrête net. Qu'est ce qu'il se passe ?

Les formes obscures reviennent docilement jusqu'à mes mains fébrilement tendues vers la victime. Intérieurement, la confusion s'insinue fallacieusement dans les méandres de mon âme. Mon pouvoir vient la câliner, faisant vibrer les parois de ma boîte crânienne dans un ronronnement triomphant. Pourquoi donc agissent-elles comme çà, sans la moindre cohérence, comme manipulées par une autre entité ? Elles ont toujours eu leur libre arbitre mais celà s'arrête principalement à ma protection, ma survie si danger il y'a.

Ombre solitaire : une vie de mensonges.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant