Chapitre 11 / Vouloir contrer la menace

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Un patron qui désirait espionner son propre PC, ça n'était pas commun. Éric Vivier aurait pu trouver la demande étrange, voire déroutante, s'il n'avait pas travaillé pour Anthéa Inc. depuis suffisamment longtemps. Mais il avait assez d'expérience pour que la demande ride à peine la surface de sa capacité d'étonnement.

Dès son arrivée, il y a quelques années de cela, Éric avait compris que le fonds de commerce principal de cette entreprise était la recherche et la vente d'informations. Le secret y était cultivé à haut niveau, et la sécurité des données y était essentielle, d'où l'importance de son pôle dans l'entreprise.

Chacun des membres de son équipe avait une spécialité ou un pôle de référence. Par exemple, Kevin et Iris étaient rattachés à la partir financière de la société. Arig, au côté stratégie géopolitique. Et ainsi de suite. Seuls Klaus et Lupita travaillaient en étroite collaboration sur le réseau interne général. Le premier, en permettant une homogénéité de ce réseau. La seconde, en assurant la sécurisation et l'étanchéité de ce même réseau par rapport à l'extérieur.

Bien sûr, malgré leur spécialité, chacun pouvait agir sur le domaine des autres dans une moindre mesure. Même si survenaient quelques frictions parfois, la plupart du temps dues au stress, l'équipe était suffisamment soudée et se révélait d'une efficacité incroyable.

Alors qu'il expliquait à Klaus la demande de la direction, Éric vit à l'air renfrogné de son collaborateur que quelque chose n'allait pas. Il le questionna donc immédiatement.

— Ce qui ne va pas, c'est la sécurité. Si je dois renvoyer des informations venant du réseau interne vers un appareil portable extérieur, il faut que l'appareil en question soit ultra sécurisé. Et personne n'est à l'abri que quelqu'un, qui serait au courant de ce protocole, vole le dit appareil et...

— Je vois, M. Carpentier. Vous proposez quoi pour satisfaire la demande du nouveau directeur ?

— Je propose qu'il se contente de sécuriser son PC, et qu'il ne laisse personne entrer dans son bureau.

— Mauvaise réponse, M. Carpentier, lâcha Éric avant d'appeler Lupita à la rescousse.

— Qu'est-ce que Klaus a encore fait ? Il a bloqué qui, cette fois ? demanda la jeune femme en entrant dans le bureau d'Éric.

Les compétences de Klaus en matière de sécurisation des données n'étaient plus à prouver. Il était indéniablement doué pour ça. Peut-être un peu trop. En réalité, il était même très souvent taxé d'excès de zèle, car il arrivait souvent que des documents refusent de s'ouvrir, soumis aux protocoles inventés par Klaus pour éviter les fuites et les contaminations en interne.

— Je suis sûr que tu vas adorer, se contenta de dire l'intéressé avant qu'Éric ne détaille la requête qui posait problème, sans préciser de qui elle émanait cependant. Non parce qu'il avait eu connaissance de quoi que ce soit entre leur nouveau patron et son employée, mais parce qu'il omit simplement de répéter l'information. À ses yeux, seule comptait la résolution du problème.

— Rien d'impossible, Klaus. On l'a déjà fait.

— Dans le cadre d'une mission. Pas sur du long terme.

— Ah ! Ça n'est pas pour une mission ?

— Non. C'est pour le grand patron.

À cette instant, Lupita bugga méchamment. Elle avait levé une main et commencé à ouvrir la bouche pour répondre et resta dans cette position étrange pendant quelques secondes.

— Mlle Jones ? demanda Éric, intrigué par cet arrêt momentané de sa collaboratrice, habituellement très active.

Klaus fut moins patient. Il donna une pichenette à l'arrière du crâne de Lupita, en grommelant un truc incompréhensible.

— Hé !

— Ben quoi ?! Depuis quand tu as des absences ? T'as Alzheimer ?

— C'est pas ça ! C'est... rien ! Et puis d'abord, pourquoi il veut avoir cet accès, le patron ? Il ne peut pas utiliser son PC de bureau comme tout le monde ?

— Vous n'allez pas vous y mettre ! Vous avez quoi tous les deux, aujourd'hui ? D'habitude, vous êtes toujours partant pour inventer des trucs loufoques... s'exclama Éric.

Lupita et Klaus échangèrent un regard avant que ce dernier ne réponde qu'ils allaient s'en occuper. Puis, ils sortirent ensemble du bureau en promettant une solution au plus vite.

— Moi, j'ai juste pas envie de me casser le cul pour une lubie de la direction. Toi, c'est quoi ton excuse ? demanda Klaus dès qu'ils furent sur le plateau.

— Rien.

— Ok. Tu ne veux rien me dire. Entendu. On part du projet déjà existant ? Celui de la mission. Et on sécurise plus. Qu'est-ce que tu penses du deck déjà utilisé ?

— Ça pourrait le faire. Mais il va falloir blinder les accès. Et sur le PC ?

— Je me charge de ça. Et on coordonne ensuite.

— OK.

Klaus retourna à son bureau, tandis que Lupita bifurquait vers la réserve « matériel ». Le deck utilisé l'an passé, s'y trouvait stocké, avec tout ce dont avait besoin le pôle pour pallier aux pannes diverses. C'était la caverne d'Ali-baba, mais organisée par une secrétaire que le dit voleur n'avait jamais eu l'opportunité d'avoir.

Ici, pas de « bidule » ou de « truc » posé sans dénomination ou récap d'utilisation. Jade y régnait en maîtresse toute puissante, traquant tous ceux qui auraient eu la velléité de ne pas suivre le classement inventé par ses soins. C'était contraignant, surtout quand on était dans l'urgence, mais cela permettait une traçabilité matérielle jamais égalée jusqu'alors.

C'est pour cette raison que Lupita ne mit pas plus d'une minute pour trouver ce qu'elle cherchait. Deck en main, elle piocha quelques composants supplémentaires et alla s'installer sur la table de l'atelier où un ensemble d'outils attendaient que l'on se serve d'eux.

Lupita avait agi comme un automate. Elle essayait de penser à un moyen d'éviter de croiser le patron, mais ça allait se révéler compliqué, si elle devait finaliser l'installation et la synchronisation avec Klaus. Il allait bien falloir qu'elle l'accompagne, et elle était convaincue que les lunettes ne suffiraient pas à la sauver... à moins que...

Et une idée de génie infusa dans le cerveau de la jeune femme.


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