Chapitre 18 : Rosé italien

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Monza, septembre 2022.

Piermarini est certainement l'architecte favori d'Adèle. Aussi, elle a attendu toute la saison d'arriver en Lombardi pour retourner visiter le Palais Royal de Monza, un immense édifice de sept-cent pièces qu'elle n'avait pas encore pu visiter dans sa totalité. Elle arrive devant le bâtiment le mardi matin, la chaleur de l'été ne s'étant pas totalement estompée malgré l'arrivée du mois de septembre, vêtue d'une robe jaune. Cette fois, pas de visite guidée. Elle a assez consulté les plans du Palais pour s'y repérer. Elle s'arrête devant la façade pour contempler le style néoclassique, voulant s'imprégner de chaque détail de l'endroit avant d'y entrer. Pour un regard français néophyte, il fait penser au château de Versailles, mais ce sont les petites différences qui font le charme de Monza aux yeux d'Adèle. Elle entre dedans après de longues minutes près de la fontaine et lève les yeux vers les moulures blanches. Elle marche jusqu'à une première pièce qui lui coupe le souffle. Partout autour d'elle, une harmonie de soie, de marbres précieux, de bois marquetés et de sculptures s'offrent à son regard.

Après plusieurs minutes, elle s'arrête devant une fresque et la prend en photo avant de l'observer dans le détail. C'est une représentation du paradis, et les corps finement représentés sont incroyablement réalistes. La lumière des chandeliers imposants pendus aux plafonds leur donne une teinte chaude et douce. Elle laisse échapper un soupir d'admiration avant de continuer son chemin. À sa grande déception, la plupart des pièces sont fermées au public, mais elle arrive à entrer dans l'appartement Royal, juste à droite du salon central. Le style est différent, et un peu moins au goût d'Adèle. La décoration est trop riche, malgré la finesse voulue. Elle prend quelques photos avant de sortir pour faire un tour dans les jardins. Elle les connaît par cœur mais ça ne l'empêche pas de les admirer. Elle se rend dans son coin préféré, la roserais, et s'assied à côté du petit lac. Ici, elle peut lâcher prise. Elle pose son sac à main et s'allonge, venant mettre sa tête dessus pour ne pas se salir les cheveux. Une rose est au-dessus de son visage et se découpe du bleu du ciel.

Elle la prend en photo avant d'éteindre son téléphone. Elle ne veut pas être joignable aujourd'hui. Elle observe les rares nuages qui passent dans le ciel, et se laisse le temps de débriefer en elle-même tout ce qu'elle a vécu depuis février. Elle est déjà à Haug depuis huit mois et c'est l'année la plus mouvementée de sa vie. Déjà, grâce à sa rencontre avec Maxime qui l'a choisie d'emblée, sans savoir à quelle point ils deviendraient proches. Cette vengeance envers Kevin qui lui fait se poser des questions sur elle-même. Est-elle vraiment ce genre de femme ? Assez rancunière pour briser un homme immature... Une part d'elle culpabilise d'avoir consacré du temps à sa haine plutôt qu'à elle-même. Du temps gaspillé à céder à des bas instincts. Il est trop tard pour regretter, de toute façon.

Il y a aussi tous ces moments interdits avec Thomas qu'elle n'arrive pas à chasser de son esprit malgré l'impossibilité évidente de désirer quoi que ce soit avec lui d'autre qu'une passion charnelle et conflictuelle. Pourtant, elle ne peut pas s'empêcher de penser qu'il aimerait le Palais Royal autant qu'elle, mais pas pour les mêmes raisons. Il apprécierait les dorures et la hauteur des escaliers, peut-être même les fresques aux plafonds. Elle secoue la tête pour arrêter de l'imaginer ici. Cet endroit est à elle, elle ne veut pas le partager avec quelqu'un qui ne l'aime pas vraiment.

Les pas d'un jardinier la sortent de ses pensées et elle s'assied pour le regarder travailler quelques secondes. Elle l'observe pendant qu'il taille un rosier, appliqué à la tâche. Il doit avoir deux ou trois ans de moins qu'elle et il a un visage délicat, une mâchoire aiguisée et un nez aquilin. Elle hésite à lui parler mais n'en trouve pas le courage. Ou l'envie, peut-être. Personne ne lui fait vraiment d'effet depuis qu'elle a embrassé Thomas pour la première fois. Elle reconnaît toujours la beauté mais n'est pas attirée comme avant. Elle rassemble ses affaires et se lève pour regagner l'hôtel de La Ville Monza.

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