La Voie des Anges - Partie Finale (A Supernatural Story)

Chapitre 6

Hermogène est bien moins impressionnant que Maeve s'y attendait. Malgré l'empressement de cette rencontre, elle ne peut s'empêcher de prendre une longue minute pour observer le vieillard, ses cheveux sales et ses vêtements en peau d'animal rongés par la pourriture. C'est donc ça, le fameux sorcier vieux de deux mille ans dont la menace était si grande qu'elle en a tout perdu ?

- Je savais que tu viendrais me trouver, grince Hermogène en regardant Maeve de ce qu'il reste de ses yeux.

Le pauvre vieux penche le bras vers l'avant pour prendre appui sur un tronc d'arbre penché, et finit au bout d'une longue, très longue minute par parvenir à s'y asseoir. Il invite d'une main Maeve à le rejoindre, ce qu'elle accepte de faire tout en restant aussi méfiante que sa condition lui permet. Elle s'assied en face d'Hermogène avec, entre eux, ce feu brûlant et empirant la sensation d'air manquant que ressent la jeune femme. Il fait si chaud qu'elle sent son t-shirt entièrement collé contre son dos, et les insectes de cette jungle semblent être assez gros pour lui infliger des piqûres faisant au moins cinq fois la taille de celles d'un moustique normal.

- Je sais pourquoi tu es là, abomination de Nephilim. Tu l'as perdue, n'est-ce pas ? Tu as perdu ta lumière.

Maeve reste silencieuse. Elle regarde Hermogène, ce vieil homme à l'allure déplorable et qui pourtant a été assez fort pour la réduire en miettes, pour lui prendre tout ce qu'elle a jamais possédé et faire d'elle une femme perdue. Devant son silence, le sorcier esquisse un sourire.

- Tu n'aurais jamais dû porter la cape, oh, ça non. C'était une grave erreur. Vois-tu, la cape ne fait pas qu'enlever les mauvais sorts... Il aspire toute forme de magie, ainsi que d'énergie, dont les êtres vivants peuvent se servir pour augmenter leurs capacités. C'est comme ça que j'ai pu survivre toutes ces années... La cape et moi sommes liés, même séparés. Et tant que je vivrais, je pourrais me servir d'elle pour récupérer des forces. Cette abomination d'ange narquois aurait dû la détruire. Ou alors, il aurait dû me tuer. Mais les anges sont faibles, tout autant que leur Créateur sacrilège.

Toujours, le silence comme seule réponse. Maeve se contente de regarder Hermogène, d'écouter ses babillements et de prendre dans cet échange, plutôt unilatéral en réalité, tout ce qui pourrait lui être utile.

- Je parle de survie, reprend le mage en jetant un poisson sur le feu, mais en réalité c'est une piètre condition que celle dans laquelle je suis. Maintenant que tu m'as en face de toi, je suis sûre que tu te doutes que ça n'a pas été une partie de plaisir. Néanmoins... je voulais une vengeance. Et dans un sens, qui n'était pas prévu mais qui était escompté, j'y suis parvenu. J'ai eu ma vengeance... Toi !

Cette fois-ci, Maeve en a assez entendu. Elle soutient le regard à moitié mort d'Hermogène, penche la tête, se mord la langue puis, finalement, ouvre la bouche et prononce ses premiers mots.

- Rendez-moi mes pouvoirs, et je quitte cette île.

Hermogène regarde Maeve, semblant peser intérieurement le pour et le contre dans cette proposition. Il soutient son regard durant de longues secondes, qui suspendent un instant pour la jeune femme l'espoir d'une nouvelle chance. Mais ensuite, Hermogène ferme les yeux et son sourire s'agrandit, laissant entrevoir les trois dents noires qu'il reste dans sa bouche.

- Oh, pauvre petite. Je ne ferai pas ça, jamais.

Maeve a donc sa réponse. Elle savait, en venant ici, qu'elle n'aurait probablement pas ce qu'elle voulait. Mais elle savait également qu'elle ne partirait pas les mains vides. Alors elle regarde Hermogène, soupire, hausse les épaules et tend son corps vers l'avant, grattant son mollet l'air distraite.

- Très bien. Tu m'as tout pris, Hermogène. Tu m'as pris ce que j'étais. Et maintenant, je vais te prendre ce qu'il te reste.

La seconde suivante, la dague de Maeve quitte sa chaussette pour rejoindre la carotide du vieux Sorcier, lancée par la jeune femme comme une fléchette sur une cible colorée. Hermogène tombe de son rondeau de bois, le sang coulant de sa gorge et, dans un dernier effort avant la mort, il fixe le regard dans celui de Maeve et se met à rire. Il rit, jusqu'à ce que la dernière goutte de sang ait quitté son corps et qu'alors, son tas de chair et d'os s'assèche jusqu'à devenir poussière.