Darius était arrivé pour le déjeuner, à l'heure donnée par son grand-père. Avant de quitter son appartement, il avait eu le temps de faire une heure de tapis de course, de se doucher, de consulter quelques dossiers, mais n'avait rien avalé, hormis deux cafés. Il s'attendait à un repas copieux et riche pour le déjeuner. Deimos avait non seulement un faible pour les pâtisseries, et les alcools du pays de ses ancêtres, mais adorait également le pastrami et le poisson frit, mets qu'il dégustait avec gourmandise depuis son enfance.
Lorsque Darius avait été introduit dans le vaste et ultra chic appartement de Deimos Yannopoulos, il avait immédiatement su qu'il venait de sauter à pieds joints dans un piège. L'entrée embaumait un parfum féminin très cher. Alors, à moins que le vieux grec n'ait laissé une maîtresse imposer sa marque sur sa tanière parisienne – ce dont il doutait, car Deimos était d'un naturel prudent quand il s'agissait d'affaires aussi risquées que de tromper sa femme légitime -, il y avait donc anguille sous roche.
Quand Darius entra dans le salon, la vue d'une longue paire de jambes gainées de soie dépassant d'un fauteuil, confirma l'hypothèse du rendez-vous arrangé qu'il soupçonnait depuis quelques secondes. Deimos était assis sur le sofa, en face de son invité, et souriait de toutes ses dents blanches et parfaitement alignées, comme un gosse fier de sa petite blague.
— Grand-père, salua Darius d'un ton sec.
— Bonjour, mon garçon. Viens t'asseoir, commença Deimos en tapotant la place libre sur le sofa, Michel, pouvez-vous apporter l'apéritif, je vous prie ? Ces jeunes gens vont s'entretenir autour d'un verre. Que désirez-vous boire, ma chère ? finit-il en s'adressant à la jeune femme assise confortablement, mais avec élégance dans un bergère face à lui.
Darius prit son temps pour s'installer lui-même, tout en saluant l'inconnue. Elle lui tendit une main molle comme pour un baise-main, qu'il se contenta de broyer avec détermination, mais distinction. Il détestait ces femmes alanguies qui n'avaient de force dans aucun membre et se contentaient de se mouvoir avec lenteur pour ne pas contrarier leur nature indolente.
Il remarqua néanmoins qu'elle avait de beaux yeux bleus, mais la fadeur du reste le laissa de marbre. Cheveux longs savamment bouclés. Blonde à la limite du blanc. Vêtue d'un tailleur aux couleurs ternes de cet automne-là, elle était parfaitement raccord avec le tissu du fauteuil sur lequel elle était assise. Si elle n'émettait aucun son, il était fort probable qu'on l'oublie.
Sauf qu'elle émit un son. Enfin, plusieurs. Et ce fut fort dommage. Cela contraria davantage Darius, car en plus d'être insipide, sa voix douce parvenait à peine jusqu'à lui. En s'asseyant, il eut une furieuse envie de la secouer violemment, juste pour voir si la machine se remettait en marche, car il avait la fâcheuse impression qu'elle était une sorte de poupée mécanique, dont la batterie en bout de course, était en train de lâcher. Une poupée mécanique épuisée et prénommée Calista Diodelos.
Qu'est-ce qui avait pris à son grand-père de lui présenter une femme aussi inexistante ? Darius reporta son attention sur Deimos, qui, avec un petit sourire aux lèvres, commençait à remplir des verres d'un alcool grec qu'il faisait venir du pays, et dont Darius avait oublié le nom, mais pas le goût. Il grimaça. Ce truc lui donnait invariablement des aigreurs d'estomac. Il se demanda brièvement si cette Calista supporterait un tel breuvage. Probablement pas. Deimos comptait-il l'assassiner sous ses yeux ? Non. Bien sûr. Le troisième verre fut rempli de champagne.
— C'est le seul alcool que je m'autorise, dit alors la jeune femme d'un ton suffisant, en suivant le regard étonné de Darius.
« Bien sûr »se répéta-t-il mentalement. Du champagne hors de prix, des bijoux faramineux, et des vêtements, qui avaient beau paraître anodin, devaient, sans nul doute, coûter la peau des fesses du père de la jeune femme.
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Tout sur Lupita
Chick-LitLupita Jones rêve d'une vie normale avec un job d'informaticienne qui lui permettrait de payer les factures et de s'adonner à son loisir de prédilection : le jeu vidéo. Mais Lupita n'a pas forcément choisi la voie la plus simple et a des soucis d'ar...