Chapitre 1-4

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La semaine est passé plus vite qu'il ne l'avait pensé. Il a eu droit aux nombreuses présentations des professeurs, aux avertissements d'une année charnière, symbole d'une course effrénée qui représente la fin d'un cycle. Rory, de son côté, imagine déjà ses créations. Il les dessine de temps à autre, quand l'inspiration le prend, comme dans ce moment de battement durant lequel il s'est installé dans un box. Des immeubles et des maisons se structurent sous son crayon. Il s'agit de projets qu'il finalise une fois chez lui – ou chez Rosemary – sur lesquels il détaille le paysage. L'esprit rêveur, moult décors occupent sa tête, si bien que son crayon ne suit pas la cadence de son imagination. Mais elle se retrouve freinée par des souvenirs sporadiques de Luke. Ils sont semblables à des flashs, bref mais marquant. Il se force à les ignorer, mais il doit avouer que cela le gêne. Il n'y a pas un moment où il ne pense pas à lui et à ce maudit cahier. Durant la semaine, il a cherché à comprendre qui le lui a donné. Il avait bien une piste sur quelqu'un, cette fille qui lui a lancé des regards mardi matin. Mais il ne peut plus prendre contact avec elle tant la rupture de lien entre eux s'est faite dans la violence...

La cloche l'extirpe de ses pensées lorsqu'elle sonne sa dernière heure. Les collégiens sortent des classes, heureux de clore leur journée. Certains rêvent du confort de leur lit, d'autres de l'euphorique apéritif. Et Rory fait partie de ces personnes. C'est pourquoi, après avoir embrassé une dernière fois sa copine, il flâne en ville le temps que l'après-midi se finisse. Puis, une fois la nuit tombée, ses pieds trouvent chemin vers un parc bruyant. Un sourire narquois prend place sur son visage.

Après qu'il est entrée, il constate l'état de la soirée. Certains sont assis dans l'herbe, en petit comité, en train de discuter. Certains sont debout, verre à la main, se déhanchant sur le rythme de musiques culte de leurs enfances. Le rock rencontre le rap, ces deux générations rassemblent et mettent en rythme ces adolescents qui ont faim de romance et soif d'alcool. Rory est déjà repu, mais il avoue avoir la gorge sèche. 

Dans cette optique, ses yeux rencontrent un attroupement de personnes. Ils entourent une table de ping-pong sur laquelle des verres sont arrangés de manière triangulaire. Mais ce dispositif ne sert que de prétexte, car le jeu ne résume qu'une envie commune : boire jusqu'à la lie. Alors Rory enchaîne les parties. Sa visée empire à mesure des gobelets bus, tout comme sa voix s'enraille. Il profite d'une pause entre deux parties pour socialiser avec le groupe. Il écoute les péripéties amoureuses et sexuels des divers adolescents. L'un d'eux narre son histoire d'amour estival, romanesque, qui avançait à coup de SMS et de rendez-vous au travers de la France, tandis qu'un autre, fier, relate les nombreux coups d'un soir qu'il avait enchainés au gré des chaudes nuits.

Finalement, alors que l'alcool capiteux fait effet, Rory suit un groupe de personnes qui s'éclipse de la soirée. Ainsi, ils se retrouvent à déambuler en ville, les lumières artificielles éclairant leurs pas. On troque la musique pour les bruits que Genève leur offre. Que ce soient le crissement des roues sur la route, les paroles des groupes sauvages sur les sentiers battus, ou encore les vagues battantes contre les murets, tout contribue à l'ambiance urbaine qui était fidèle à la nuit. Mais si le groupe avance dans le rire et la joie de vivre, Rory, lui, l'abandonne. Il reste sur place. Ses yeux contemplent le lieu qui lui semble familier.

La chaleur de l'alcool diminue, chute jusqu'à frôler le zéro. L'adolescent se mord la lèvre inférieure. Devant lui, une statue trône sur son piédestal. Sa main forte empoigne une lance. Prenant la pose sur son destrier d'acier, elle a l'air fier avec son visage d'homme et ses traits creusés dans la pierre. Ses yeux admirent l'horizon au loin, les montagnes surplombent le lac Léman. Des navires voguent au rythme du courant sous la voute stellaire dans laquelle les lumières éparses des villes trompent l'obscurité. Le groupe que Rory a suivi est désormais loin, le livrant au silence écrasant de la nuit. Ce décor... il se rappelle très bien cet endroit. Il l'a déjà vu en photo plus tôt. Mais il ne s'agit pas de n'importe laquelle, cette photo. La même à laquelle il s'est confronté au début de la semaine. Celle-là même qui ressurgit les remords du passé. Celle de la personne qui bouleverse ses pensées et qui chamboule la parfaite rentrée dont il a rêvé.

Carnet d'un ami disparuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant