Carnet d'un ami disparu

Chapitre 5-2

L'examen se passe dans la plus plate des normalités. Le collégien a pioché un texte qu'il a analysé en une vingtaine de minutes. Le thème récité du philosophe ainsi que les cours sur ce dernier lui sont venus d'une manière si naturelle qu'on pourrait se demander si tout le stress antérieur se justifiait. La préparation terminée, il s'est mis à côté du tableau noir, faisant face à sa professeure qui tient en main un stylo, avec lequel elle joue en attendant que son élève se soit installé. Puis, quand elle lui a intimé de commencer, il s'est armé d'une craie d'une main, de son brouillon de l'autre, et il a commencé à expliquer et démontrer sa thèse. Les exemples se sont accompagnés de schémas démonstratifs, le tout sans échapper à ses habituels gestes de la main. Et une fois le dernier dessin griffonné, la dernière explication donnée, il a déposé sa craie, laissé son bras se balancer, et la professeure l'a remercié. Il hoche la tête avant de quitter la pièce, un air triomphant se lisant derrière ses traits.

Dès que la porte derrière lui se referme, la satisfaction le gagne, et il lâche de petites exclamations quand il rencontre à nouveau le regard inquiet de Daphné. Regard calmé à la vue d'un Rory excité par ce qu'il vient de produire. Il s'autorise même à prendre dans ses bras la jeune femme, qui se laisse faire dans un moment de complicité. Puis, quand l'adrénaline redescend, Rory desserre son étreinte et toise Daphné du regard. Dans un geste simple, elle sort de sa poche un bout de papier qu'elle tend à son camarade.

« Rayenne me l'a donné quand je suis sortie. J'imagine que c'est pour toi... »

Un sourcil s'arque quand il entend la nouvelle. Lui, qui a paru si froid lors de leur rencontre pré-examen, a légué ceci. Il prend le papier, et quand il déchiffre son écriture hiéroglyphique, il s'étonne de l'invitation. Ses yeux se lèvent pour rencontrer ceux de Daphné. Il articule un « merci » sans pour autant émettre le moindre son. L'adolescente opine du chef, tourne les talons, et s'en va jusqu'à disparaitre derrière une cage d'escalier. Elle doit sans doute rejoindre son père pour l'aider par rapport à l'incident plus tôt.

Si l'oral de cette journée vient de s'achever, la journée n'en est pas de même, surtout après la remise de ce bout de papier. Pour l'heure, il a une pause à prendre, avant de faire face à ses erreurs. Dans cette optique, l'adolescent quitte le Collège, le froid de décembre mordant les parcelles nues de sa peau et se pose dans un fast-food non loin de la gare. Durant sa pause repas, il n'hésite pas à sortir ses affaires pour réviser une nouvelle matière. L'acte philosophique vient de s'achever pour laisser place à celui du monde fabuleux et abstrait des mathématiques. D'un geste mécanique, entre deux démonstrations, il tapote sa poche où repose son papier. Papier sur lequel il fonde de grands espoirs...