Chapitre 10-1

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Une semaine plus tard, la chaleur du sud accueille les voyageurs qui sortent de la gare de Montpellier. Parmi eux, Daphné agite sa main à la manière d'un éventail alors que Rory compare le décor avec la photo dans son téléphone. Ils n'ont pas le temps d'admirer la beauté de la ville, trop occupés à surveiller les environs.

« On va pas le trouver en ville, regarde : ç'a l'air pas mal isolé » constate-t-il en désignant les différents détails.

Au bout d'une dizaine de minutes, ils se mettent d'accord pour se séparer, chacun s'occupant d'un pan de la ville et de ses alentours. Daphné jette un regard inquiet à Rory. Celui-ci semble plus préoccupé par le carnet qu'autre chose. Daphné étire ses lèvres, une moue consternée dessiné sur son visage. Elle prend la parole, ultime encouragement :

« Sois prudent. »

Rory lève les yeux et esquisse un petit sourire rassurant. Il hoche la tête, tourne les talons et lève le bras en arrière, signe salutaire. Ainsi débute une longue course d'orientation durant laquelle il pose des questions au passant, beaucoup plus joyeux et ouvert que la froide Paris. Il croise un vieux couple qui lui raconte leur passé, leurs aventures et comment ils s'étaient rencontrés. Loquace, il lui fait perdre une trentaine de minutes, mais dont le récit s'achève sur le lieu de la photographie. Le vieux monsieur lui indique le chemin d'un air rêveur, se perdant de temps à autre dans des anecdotes nostalgiques. Rory les remercie, sa bouche ouverte laissant entrevoir ses dents.

Autant est-il ravi de bientôt conclure son enquête, autant commence-t-il à réaliser l'aventure qu'il a menée. Il a tant perdu pour une victoire dont il n'était pas assuré. Ses pensées partent dans tous les sens, une multitude de scénarios se joue, qui débouche tous sur des fins éparses. L'orange du crépuscule allonge son ombre, rythmé par ses pas irréguliers. Il lui arrive de s'arrêter, de se perdre dans les paysages et de se demander s'il ne s'est pas égaré. Les pavés de la ville commencent à se raréfier, l'odeur du gasoil à se dissiper, remplacée par celle de l'herbe séchée des terres battues qui le mènent jusqu'à une forêt. Le bruissement des feuilles couvre le brouhaha urbain, déjà affaibli par la distance.

Trente minutes qu'il marche et ses jambes ne tiennent plus. Rory s'assit sur un rondin de bois, massant ses mollets nus. Les blafardes lueurs de la lune, filtrées par l'épaisse couche feuillue, éclairent son visage rougi par l'effort. Il sent qu'il marche sur une pente ascendante qui lui prend son énergie. Son corps lui demande de s'arrêter encore un moment, de se reposer. Cependant, il garde un objectif en tête, moteur de sa motivation. Il profite de ce temps pour sortir son téléphone de sa poche. Voulant prendre des nouvelles de Daphné, il remarque qu'il ne capte plus de réseau. Par chance, il a envoyé sa position avant de rentrer dans la forêt. Elle ne devrait plus tarder.

S'attendant à un long périple, au bout de dix de minutes, il est surpris d'apercevoir un coin qu'il connait sans l'avoir visité. C'est à partir de ce moment-là qu'il sent son pouls s'accélérer, ses pensées vagabondes alternant entre divers scénarios. La lune qui domine le ciel de sa pâleur éclaire ce bout de falaise où un banc trône.

Derrière le banc se trouve un bâtiment. Les néons collés au bois usé éclairaient le lieu. La lumière jaune feutré rivalisait avec celle blafarde de la Lune. Des rires étouffés couvrent le silence, les sonorités féminines se confondant avec la virilité du lieu que Rory imagine être un bar. Curieux, il s'avance vers l'entrée. Puis, quand il se trouve à une dizaine de mètres, la porte s'ouvre sur une silhouette. À peine perçoit-il les discussions distinctes qu'il reconnait le visage de cette personne sortante.

Son cœur manque de lâcher à la vue de Luke.

Carnet d'un ami disparuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant