Les Rivières aux Poignets

Je choisis

Je choisis le présent
Pour parler du passé
Et du futur néant
Moi je n'ai que mes pieds
Mes rimes et mes mots
Et de l'encre inventée
Je n'ai pas de stylo
Je murmure aux papiers...

Je choisis les retards
Qui font la liberté
Je déteste les gares
Les horloges pressées
Tous ces gens qui se hâtent
Qui ont le temps compté
Le temps n'est qu'une droite
J'ai pris l'autre côté...

Je choisis de danser
Quand la musique s'arrête
Comme un con à valser
Mille temps en tempêtes
Je choisis le silence
J'ai des mots plein la tête
La fête en apparence
Et je trinque aux défaites...

Je choisis la rosée
À l'heure de se coucher
À l'heure de se lever
J'laisse mes rêves allumés
Pour m'échapper un peu
À tous ces matins fous
Où le soleil n'a que
La couleur de ses coups...

Je choisis les échos
S'ils me parlent de toi
S'ils résonnent d'en haut
Ton prénom jusqu'en bas
S'ils répètent les mots
Tatoués à mon bras
Aux pages de ma peau
Rien ne s'effacera...

Avant de nous brûler
Je choisirai le feu
Dans la chaleur bleutée
Quelques gouttes de mieux
Pour tiédir à mes lèvres
Les frissons de ta peau
Si nos flammes s'élèvent
À toucher les oiseaux...

Je choisis la santé
Quand nos verres se rencontrent
Dans une nuit d'été
Où nos cœurs se racontent
Les rivières salées
Les océans perdus
Les choses oubliées
Les flots de nos vécus...

Je choisis les nuages
Et les formes connues
Qui dessinent un visage
Diluant l'inconnu...
Je choisis les étoiles
Qui restent à leurs places
Ça me fait toujours mal
De voir le temps qui passe...

Je choisis la pudeur
Dans les mots et les gestes
Pour ce qui est du reste
Ça dépendra de l'heure...
Je choisis les sincères
Les gueules de travers
Tous ceux qui n'ont pas peur
De n'pas être à hauteur...

Les failles assumées
Ceux qui ne mentent pas
Je choisis les fauchés
Qui ne recomptent pas...
Ceux qu'ont la vérité
Aux bruits de leurs silences
Qu'ont pas besoin d'étés
Pour partir en vacances...

Je préfère les sentiers
Aux routes bitumées
Je choisis d'être à pied
Que kérosènisé...
J'aime prendre mon temps
Et lui laisser le sien
Je choisis le néant
Si c'est avec les miens...

Je choisis la beauté
Celle qui n'a pas l'air
Qui aime se cacher
Se montrer à l'envers
Des endroits les plus sombres
Ou des yeux les plus noirs
S'il existe des ombres
C'est qu'elle brille quelque part...

Je choisis un travail
Qui ne me crève pas
Je m'attache aux détails
J'compte les heures sans toi
J'compte les heures sans vous
À quoi bon s'appliquer
À serrer des écrous
Quand la vis est cassée...

Je choisis les dimanches
À ne pas me laver
À ramasser des branches
Pour des combats d'épées
Plutôt qu'à faire la queue
Pour des soldes d'été
Pour entrer dans le jeu
Des besoins fabriqués...

Je choisis de n'pas l'faire
Je me laisse porter
Un grain dans le désert
Une feuille envolée
Sur laquelle je grave
Des mots trop emmêlés
Je choisis d'être sage
À part dans ces carnets...

De ta bouche à ton cou
Je choisis le trajet
De ta nuque à ta joue
Laisse moi t'embrasser
Jusqu'au dos de ta main
Je te déposerai
Des lunes aux matins
Et des soleils couchés...

Je choisis la faiblesse
Savoir que je n'sais pas
Plutôt que des promesses
Que l'on ne tiendrait pas...
Si je ne suis qu'un homme
Comme tant avant moi
Je suis roi d'un royaume
Qui s'étend dans tes bras...

Je choisis le silence
Je vous l'ai déjà dit
On a tous une absence
Qui nous parle, endormis...
Si nos jours sont comptés
Qu'en est-il de nos nuits ?
Sont-elles éternité
Ou l'envers de nos vies ?

Je choisis les hivers
Pour me promener nu
Je fais tout à l'envers
J'mets la fin au début...
C'est pareil dans ces mots
Je crois que je me perds
J'vais repartir d'en haut
Et ça donnait ces vers ;

Je choisis le présent
Pour parler du passé
Et du futur néant
Moi je n'ai que mes pieds
Mes rimes et mes mots
Et de l'encre inventée
Je n'ai pas de stylo
Je murmure aux papiers...