Tout sur Lupita

Chapitre 35 / Dieu entend tout

Lupita s'en voulait d'avoir surréagi. Elle n'aurait pas dû se laisser emporter, même s'il avait été vexant. Elle aurait dû prendre sur elle. Elle aurait pu, mais quelque chose l'avait contrariée encore plus que les critiques vis-à-vis de ce qu'elle était : le manque d'enthousiasme et de sérieux.

Darius Ryker lui avait fait une proposition sans y réfléchir réellement. C'était évident. Et maintenant, il rechignait, il râlait. Il aurait aussi bien pu tout envoyer balader. Elle l'en sentait capable. Elle l'avait vu dans ses yeux quand il s'était emporté.

Et alors ? Est-ce que ça ne serait pas plus facile pour elle de ne pas avoir à jouer le rôle de la fausse fiancée ? Est-ce que ce ne serait pas moins risqué ? Très certainement. Cependant, elle avait besoin de l'argent que cette mission - car c'est ainsi qu'elle voyait le marché passé avec Darius Ryker - allait lui rapporter. Elle en avait désespérément besoin et pas seulement pour l'ordinateur.

Elle dormait sur un matelas à même le sol et ses meubles venaient tous de la récup', et même si certains étaient tout à fait potables, d'autres laissaient franchement à désirer. Comme elle n'était pas une de ces filles qui faisaient des trucs elles-mêmes en s'extasiant de tous les fabuleux projets qu'elles avaient en tête, elle ne repeignait pas les meubles et ne leur donnait pas de seconde vie. Vade retro les pinceaux et autres pochoirs ! Elle n'était définitivement pas ce genre de fille. Elle, elle se contentait de poser les meubles là où ils allaient servir. Point. Qu'ils soient éraflés, bancales, ou carrément moche et vieux, elle s'enfichait.

Toutefois, elle ne pouvait s'empêcher de se dire qu'un truc plus pratique dans sa cuisine, faciliterait sa vie et permettrait qu'elle casse moins de vaisselles (une étagère ne tenait que grâce à l'opération du saint esprit, pas moins). Et puis, un nouveau canapé ne serait pas du luxe. Pas un comme Ryker. Elle savait bien qu'elle ne s'achèterait jamais un truc aussi confort et beau, mais un qui ait l'air d'un vrai canapé, pas d'une banquette qu'on aurait laissé à des molosses énervés toute une semaine, ça serait pas mal.

Et elle ne parlait pas de ses fringues et de ses pompes. La plupart venait de la friperie ou étaient des cadeaux de ses parents. Heureusement pour elle, elle n'avait ni grandi, ni grossi depuis un moment. Ça serait pas mal qu'elle investisse aussi de ce côté-là. Pas de folie, mais un ou deux trucs neuf...

En pensant à cela, son esprit, évidemment, sauta sur l'après-midi shopping qu'elle allait devoir se taper très bientôt, genre ce week-end. Elle soupira, car si elle aurait bien eu envie de s'acheter un nouveau pantalon ou de nouvelles chaussures, elle n'avait pas du tout, mais alors pas du tout, envie de se trouver des tenues chics pour les rencarts avec Ryker.

Par contre, elle en connaissait une qui allait sauter de joie : Emmanuelle. Peut-être qu'elle devrait lui confier la carte bleue quand elle l'aurait ? Emma pourrait lui dénicher des trucs sympas sans qu'elle, Lupita, n'ait rien à faire. Ce serait pas mal, en fait... Ce serait même une super idée. Elle ferait d'elle sa personal shopper. Emmanuelle allait adorer !

***

— Tu ne peux pas me faire ça !

— Je pensais que ça te ferait plaisir !

— Bien sûr que ça me fait super plaisir, mais le faire sans toi, ce serait comme un rendez-vous manqué. Tu dois venir ! Et puis on va rigoler !

— Tu vas rigoler ! Moi, je vais souffrir, je le sens !

— Emma a raison, faut que tu viennes !

— Tu ne vas pas t'y mettre Aïko !

Les trois jeunes femmes étaient assises par terre, dans une flaque de soleil, au bord du faux balcon de Lupita, avec des bières fraîches qu'elles buvaient au goulot. La porte-fenêtre laissait rentrer l'air doux de cette journée de printemps. Pop-corn s'était couché entre les filles pour récolter le plus de grattouilles possible.