Chapitre 10

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Le soleil couchant offrait un semblant de calme à la capitale parisienne, mais ce calme ne déteignait visiblement que très peu sur Agathe qui remettait nerveusement une mèche brune derrière son oreille décorée de mille et un ornement. Elle était en avance, elle le savait, mais l'empressement d'échapper aux questions de Maëva ainsi que d'avoir des réponses à ses propres questions l'ont fait agir sur un coup de tête. Elle avait encore un quart d'heure avant que Nabil ne pointe le bout de son nez, s'il n'était pas en retard,  mais cela ne l'empêchait pas de vérifier l'heure toutes les deux minutes sur sa montre cuivrée. 

Un énième soupire quitta ses lèvres nues, et elle se retrouva à s'appuyer contre les immenses grilles, au vert écaillé, derrière elle. Son pied shoota dans un caillou, l'envoyant valser sur la route, ricochant sur la roue d'une voiture rouge. Le soleil était encore lourd sur sa peau mais loin d'être aussi agressif qu'il y a quelques heures, il ne lui brûlait plus la rétine et les perles de sueur avaient disparu. Il faisait simplement office de poids sur ses frêles épaules, comparable à sa situation actuelle. 

Elle se perdait dans ses pensées, à virevolter entre toutes les possibles explications que le jeune parisien pourrait lui présenter, à tous les mensonges qu'il pourrait créer aussi. Il ne lui devait rien, au fond. Pas même la vérité. Alors, un tourbillon de doutes s'installaient et plus le temps passerait, plus elle s'y perdrait, pensait-elle, avant de s'interrompre à la vue d'une mercedes noire, aux vitres tintées. Le moteur retentissait dans le petit quartier avant de se couper, nette, lorsque le véhicule avait fini d'effectuer un créneau. La grosseur de la voiture était tout sauf adaptée pour une ville aussi dense et à la circulation si peu fluide, jugea-t-elle. Ce n'est que quand elle eut aperçu le conducteur, sortir de son énorme 4x4, qu'elle comprit. Apparemment, ça collait mieux aux Tarterêts. 

-T'as changé de voiture...

Se surprit-elle à dire, attirant l'attention de Nabil qui n'avait pas encore posé un pied sur les pavés du trottoir. Il releva la tête et haussa un sourcil, presque amusé. 

-J'allais pas garder mon épave jusqu'à ma mort.

Il avait raison sur ce point. La 206 qu'il avait il y a six ans était en adéquation avec son âge, quelques éclats par-ci, des vitres arrière manuelles et un poste radio merdique. Quel étudiant de vingt-deux ans pouvait s'offrir de plus? Elle était convenable, pour son époque. Mais Agathe s'attendait peut-être à la revoir, c'était idiot. Une moue s'installa l'espace d'un instant sur son visage.

-Ça me paraît tout de même un peu gros pour Paris. 

-J'habite pas à Paris, Agué... Et je te rappelle qu'on n'a pas le métro en Essonnes. 

Elle hocha simplement de la tête et mit tout en oeuvre pour que le rouge ne lui monte pas aux joues face au surnom. Quand c'était Gabriel ou Maëva, c'était habituel et elle ne relevait même plus, mais Nabil. Il ne l'avait plus appelé comme ça depuis leur dernière aventure, préférant Agathe quand il s'agissait de mettre de la distance. 

-Tu devrais, on m'a dit que c'était une très belle ville.

Il ne put empêcher le rire de lui échapper des lèvres, sûrement le stress de la revoir en vrai qui redescendait. La connaissant, il ne s'imaginait pas des retrouvailles si légères. Mais Agathe était changeante, faisant la pluie et le beau temps à sa guise, et il savait par expérience de savourer ces quelques minutes. L'orage pourrait déchirer le ciel avec les mots qui suivraient. Il enfila l'une de ses mains dans la poche de son jean, ouvrant le portail grinçant de son autre main, demandant silencieusement à Agathe de le suivre. Le lieu n'avait pas si changé pensait-il, et aux vues des yeux pétillants de l'italienne, elle en venait aux mêmes conclusions, une couche de nostalgie semblant recouvrir son âme.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 03 ⏰

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